Courrier Picard : Policiers municipaux à Compiègne: «Nous sommes de la chair à canon»
Publié le 11 Janvier 2015
PUBLIÉ LE 10/01/2015
Après le décès d’un agent à Montrouge jeudi, les policiers municipaux de Compiègne ont fait valoir leur droit de retrait pendant 24 heures. Ils demandent plus que jamais à être armés.
Un peu partout en France, des policiers municipaux ont été choqués par le décès, jeudi matin, de l’agent de Montrouge, Clarissa Jean-Philippe, victime d’un terroriste. Et notamment à Compiègne. De jeudi, 13 heures, jusqu’à ce vendredi midi, les policiers municipaux ont fait jouer leur droit de retrait. « Avec l’accord de notre hiérarchie, aucun agent n’a quitté le commissariat pendant cette période », indique Nicolas Konieczny, délégué pour le Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM).
« Sachant que les individus recherchés pour l’attentat de Charlie Hebdo étaient dans le coin, on ne voulait pas prendre de risque », poursuit-il. Pour les agents, à Compiègne comme ailleurs, ces événements relancent le débat sur l’armement des polices municipales.
Des bâtons télescopiques arrivés cette semaine
« À Montrouge, notre collègue n’était pas armée, souligne Guillaume Many, policier compiégnois, délégué (d'un syndicat). Elle ne portait pas de gilet pare-balles. Elle a été abattue dans le dos, alors qu’elle procédait à l’enlèvement d’une voiture. » Le responsable syndical brandit des chiffres : « En France, depuis 2010, trois collègues sont morts et 250 autres ont été blessés. Ici, cela pourrait arriver n’importe quand. » Les policiers citent l’exemple de la police nationale qui, ce jeudi 7 janvier, a dû faire feu sur une voiture qui tentait de les écraser. Guillaume dénonce une hypocrisie : « À Compiègne, en nous donnant des gilets pare-balles, on reconnaît que nous sommes des cibles. Et on ne nous donne pas les moyens de nous défendre, ou de protéger efficacement la population. » Il conclut : « Nous sommes de la chair à canon. »
Jusqu’à cette semaine, les 27 agents de la police municipale locale avaient le droit à une bombe lacrymogène et à un tonfa. « Depuis décembre, nous sommes autorisés à porter des bâtons télescopiques, indique Nicolas Konieczny. Une quinzaine est arrivée cette semaine. » Là où le tonfa « est plus pour la défense », le bâton télescopique « est plus efficace pour désarmer un opposant armé d’un couteau ». Mais face à une arme à feu…
Entre 23 et 5 heures du matin, les policiers municipaux ont également l’autorisation d’emporter un flash-Ball (fusil qui tire des balles en caoutchouc). « À condition que nous soyons au moins trois, poursuit le policier municipal. Et les horaires sont trop restreints. » L’arrivée possible de taser dans un avenir proche ? « En complément des flash-Ball, oui, mais cela ne remplace pas une arme à feu. »
Pour Guillaume, la situation est d’autant plus frustrante que « plusieurs d’entre nous sont d’anciens militaires ». Lui-même était gendarme : « On m’a enlevé l’autorisation de porter une arme quand j’ai eu mon diplôme de policier, c’est aberrant. »
Pourquoi cette réticence à armer les municipaux ? Selon lui, « les maires ont peur, principalement de l’opinion publique. Mais si un agent meurt dans l’exercice de ses fonctions, ils peuvent être considérés comme responsables. »
Un nouveau chef est attendu pour la police municipale
Denis Rémy, chef de service à la police municipale de Compiègne a quitté son poste, à sa demande, en octobre dernier. Il devrait être remplacé en mars ou avril par un homme qui a d’ores et déjà été choisi par la mairie. « Ce n’est pas encore officiel, indique Éric Verrier, adjoint au maire chargé de la sécurité. Je peux juste dire qu’il s’agit d’un homme qui habite à Compiègne, mais qui effectuait jusque-là son service en région parisienne. Il a de l’expérience et connaît le terrain. »
Éric Verrier, chargé de la sécurité : « Des armes à feu ? Pour le moment, non »
En avril dernier, Éric Verrier indiquait que les policiers municipaux pourraient être équipés de pistolets à impulsions électriques (type taser) d’ici la fin 2014. « Nous avions l’accord de principe du préfet, mais nous devions régler de nombreux détails administratifs. Rien que pour les matraques télescopiques, les démarches ont été longues, très longues. » L’idée n’est pourtant pas partie aux oubliettes. « Nous allons refaire une demande officielle à la préfecture. » Ces armes pourraient donc, un jour, arriver à Compiègne, mais cela ne satisfera pas les policiers municipaux, qui veulent une arme de poing. « Pour l’instant, non, ce n’est pas à l’ordre du jour », conclut l’élu.
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