Essonne : « Nos policiers municipaux s’entraînent plus au tir que les policiers nationaux »
Publié le 26 Janvier 2016
25.01.2015
Philippe Poupeau, directeur de la police municipale d’Evry
Avant d’armer leurs polices municipales, les villes sont tenues de former les agents. Entretien avec Philippe Poupeau, directeur de la police municipale d’Evry.
Quelles sont les conditions pour qu’une police municipale soit armée ?
Il faut tout d’abord que le maire en fasse la demande auprès du préfet. Si celle-ci est accordée, une enquête de moralité de chaque agent concerné est réalisée par la police nationale ou la gendarmerie. Ensuite, les fonctionnaires sont tenus de réaliser une formation préalable à l’armement, dispensée par le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).
Comment se déroule cette formation ?
Elle peut durer jusqu’à douze jours si elle comprend également l’apprentissage du maniement du flash-ball et du pistolet à impulsion électrique. Elle est composée d’une partie théorique et d’une partie pratique. La formation impose le tir de 300 cartouches au pistolet ou au revolver, quatre au flash-ball et 18 heures de maniement pour le pistolet à impulsion électrique.
Quelles sont les armes létales attribuées à la police municipale ?
Deux types d’arme ont été retenus : des pistolets et des revolvers pouvant accueillir des munitions de calibre 38 Special et 7,65 mm.
Une fois les policiers municipaux armés, sont-ils tenus à des entraînements réguliers ?
La loi impose un minimum de deux séances de tir par an au cours desquelles 25 cartouches doivent être tirées en tir académique. Il s’agit d’une séance de tir statique sur une cible. Ceci est un minimum, les communes qui arment leurs policiers municipaux vont bien souvent au-delà.
A Evry par exemple, quelle est la fréquence des entraînements ?
Déjà, nous doublons la formation du CNFPT en demandant à nos agents de tirer 300 cartouches supplémentaires. Ensuite, tout au long de l’année, nos policiers municipaux sont contraints de tirer un minimum de 50 cartouches par mois. Ce sont des tirs en situation où il faut gérer le déplacement et le stress. Pour cela, tous les agents sont licenciés à la Fédération française de tir et nous avons signé une convention avec le stand de tir du Coudray-Montceaux pour disposer de créneaux toutes les semaines. On ne peut pas nous reprocher un manque de pratique, nos policiers municipaux s’entraînent plus que les policiers nationaux.
Illustration. A Evry, la police municipale est armée. De plus en plus de communes équipent leurs agents, surtout depuis qu’un décret permet de leur mettre à disposition gratuitement des revolvers à titre expérimental.
Le maire de Courcouronnes n’a jamais eu l’intention de jouer au « shérif ». Et son homologue de Montgeron n’a pas vraiment envie de transformer ses agents « en cow-boys ». Un champ lexical du Far West que ces élus emploient pour évoquer l’armement de leur police municipale. Sujet jusque-là assez sensible.
Mais depuis les attentats, les prises de position semblent moins timorées. En Essonne, sur les 76 communes dotées d’une police municipale, 25* ont équipé leurs agents ou sont en train de le faire.
Combien ? Depuis 2000, chaque ville peut armer sa police sur ses deniers. Ainsi, 17 l’ont fait en Essonne, ou du moins ont reçu l’autorisation de le faire. A la suite des attentats, un décret a été publié en avril, autorisant les municipaux à utiliser à titre expérimental un autre type de revolver, jusque-là réservé aux forces de sécurité de l’Etat. Pendant 5 ans, un stock de 4 000armes est ainsi mis gratuitement à disposition des municipalités. En Essonne, 75 ont été distribuées à 11 communes candidates.
Effet attentats ? Oui pour certains, comme le maire de Mennecy, qui a vu en ces attaques « un véritable traumatisme pour les forces de sécurité », écrit Jean-Philippe Dugoin-Clément (UDI) dans le bulletin municipal d’avril. Pour d’autres, ces événements les ont surtout confortés dans leur position et la mise à disposition gratuite de revolvers est ainsi une occasion à saisir. « C’est un projet de longue date. Nous allons étendre les missions au-delà de 23 heures et je ne vois pas comment on peut assurer la sécurité de nos agents la nuit s’ils sont désarmés. Ils doivent pouvoir se défendre face à des gens qui sont maintenant surarmés », explique Nicolas Dupont-Aignan (DLF). Même son de cloche à Athis. « Nous arrivons à cette logique car les responsabilités régaliennes de l’Etat ne sont plus assurées », va plus loin Sylvie Carillon (LR) à Montgeron.
Un dispositif qui fait ses preuves ? « Au début des années 2000, on achetait des fusils à pompe dans la rue, raconte le maire de Courcouronnes, Stéphane Beaudet (LR). En 15 ans, la délinquance a baissé de 85 % ». Grâce aux armes qui protègent ses agents depuis une dizaine d’années ? « Un tas de dispositifs a été mis en place. C’est donc un tout. Ce qui est sûr, c’est qu’avant, les jeunes traitaient nos agents de fausse police », poursuit-il en précisant que l’arme n’a été sortie qu’une fois et n’a tiré aucune balle. Pour les 11 communes ayant profité du dernier décret, il est trop tôt pour faire un bilan. Car si les revolvers ont été distribués, ils n’ont pas forcément été utilisés. « Nous sommes en attente d’un arrêté pour que la préfecture autorise l’armement. Ce n’est qu’après que nous pourrons solliciter une formation. Et comme les centres sont saturés, nos agents seront au mieux formés au printemps. Il y a un décalage absolu entre les effets d’annonce et la réalité administrative », déplore l’édile de Mennecy.
L’initiative ne fait pas l’unanimité. Certains opposants soutiennent la démarche de leur maire. « Pour moi, quand on est policier, on est armé. C’est une question de sécurité mais aussi d’efficacité lors des missions », juge Elodie Jauneau (PS) à Yerres. D’autres, comme Mounia Benaili (PG) à Juvisy, n’y sont pas favorables : « La police municipale ne doit pas se substituer à la nationale. Renforçons celle-ci et accordons lui plus de moyens humains et financiers ». Même discours chez la député EELV, Eva Sas qui propose même de renforcer les moyens humains des renseignements généraux. Le syndicat Alliance Police Nationale n’y voit pas d’objection : « Il faut être pragmatique. La police nationale est de plus en plus déshabillée et travaille de plus en plus avec la municipale qui se retrouve sous le feu et qu’il faut donc protéger », déclare Claude Carillo.
D’après les données de la préfecture : * Athis, Champlan, Chilly, Corbeil, Courcouronnes, Crosne, Etampes, Etiolles, Juvisy, Evry, La Ville-du-Bois, Le Coudray, Linas, Longjumeau, Massy, Mennecy, Montgeron, Montlhéry, Paray, Ris, Saint-Germain-lès-Corbeil, Soisy-sur-Seine, Vigneux et Wissous, Yerres.