⚖ Juridique : Repression de la vente à la sauvette par les communes
Publié le 3 Août 2018
Les ventes illégales depuis le domaine public communal ont tendance à se développer considérablement, notamment dans les centres urbains. Le législateur avait donc créé un délit, dit « de vente à la sauvette ».
Pour être constitué, ce délit suppose que le maire édicte au préalable un arrêté qui réglemente la vente ambulante. Le maire peut également saisir la DGCCRF (direction générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) lorsqu’il constate des ventes illégales sur un autre domaine public.
Le maire doit autoriser au préalable toute occupation du domaine public communal
Toute personne qui propose à la vente des biens ou des services depuis le domaine public communal doit disposer d’une autorisation. En effet, « nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public » (art. L. 2122-1, code général de la propriété des personnes publiques, CGPPP). Cette occupation doit être temporaire, précaire et révocable (L. 2122-2, et suivants, CGPPP). Le maire peut autoriser l’occupation du domaine public sous forme d’arrêté ou de convention (R. 2122-1, CGPPP). Rappelons que cette occupation donne lieu au paiement d'une redevance, sauf dérogations. Cette redevance tient compte « des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation » (art. L. 2125-1 et suivants, CGPPP).
Dès lors, un commerçant ou toute personne qui utiliserait le domaine public communal pour exercer une activité de vente sans disposer d’une autorisation préalable s’expose à une amende de 1 500 euros. En effet, « seront punis d'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe ceux qui : (...) 3° sans autorisation préalable et d'une façon non conforme à la destination du domaine public routier, auront occupé tout ou partie de ce domaine ou de ses dépendances » (art. R. 116-2, code de la voirie routière ; art. 131-13 code pénal). Les policiers municipaux peuvent constater cette infraction (art. L. 116-2, code de la voirie routière).
La vente à la sauvette est désormais un délit si un arrêté municipal réglemente la vente ambulante
La vente à la sauvette est devenue un délit depuis la promulgation de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (art. 51). Ainsi, « la vente à la sauvette est le fait, sans autorisation ou déclaration régulière, d'offrir, de mettre en vente ou d'exposer en vue de la vente des biens ou d'exercer toute autre profession dans les lieux publics en violation des dispositions réglementaires sur la police de ces lieux. La vente à la sauvette est punie de 6 mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende » (art. 446-1, code pénal, CP). Les peines sont portées à 1 an de prison et 15 000 € d'amende si cette vente est accompagnée de voies de fait, de menaces ou lorsqu'elle est commise en réunion (art. 446-2, CP). Enfin, les mis en cause encourent « la confiscation et la destruction de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit » (art. 446-3, CP ; voir également Cour de cassation, civile, n° 00-16438 du 18/09/2002).
Le délit de vente à la sauvette est susceptible d’être constitué dès lors que 3 conditions cumulatives sont réunies.
En premier lieu, il doit exister un arrêté municipal qui réglemente la vente ambulante. Sans cet arrêté, le délit ne peut pas être constitué (voir jurisprudence constante, Cour de cassation, crim. n° 04-87849, 6/09/2005).
En second lieu, le mis en cause ne doit pas avoir obtenu l’autorisation requise. En troisième lieu, ce dernier doit proposer à la vente des biens ou des services depuis le domaine public communal.
Edicter un arrêté légal limité dans le temps et dans l’espace
Seul le maire est compétent pour réglementer la vente ambulante, et non le conseil municipal. Ainsi : « la délibération d'un conseil municipal ne constitue pas une disposition réglementaire relative à la police des lieux, au sens du code pénal » (voir Cour de cassation, crim. n° 08-87409, 24/02/2009).
Pour édicter cet arrêté, le maire va mettre en œuvre ses pouvoirs de police municipale qui ont pour objet « d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Ils comprennent notamment : 1° tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (…), 2° le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique (…), 3° le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, et autres lieux publics » (art. L. 2212-2, CGCT).
Toutefois, le maire va restreindre la liberté de commerce et d’industrie : les effets de son arrêté devront être limités dans le temps (à certaines heures, à certaines périodes de l’année), et dans l’espace (sur une partie du territoire communal).
Exemples jurisprudentiels : ainsi, le maire de Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques) a-t-il pu interdire « l’activité des marchands ambulants dans le secteur de la vieille ville afin d’assurer aux usagers, et notamment aux touristes appelés à fréquenter la station, l'agrément, la commodité et la sécurité qu’ils sont en droit d'attendre de l'usage normal de ces lieux publics destinés à la villégiature et la promenade ; dans ces conditions, et compte tenu de l'existence dans la ville d'autres secteurs également fréquentés par les touristes où les marchands ambulants peuvent exercer leur activité, le maire a pu, sans porter une atteinte illégale au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, interdire l'activité des marchands ambulants dans l'ensemble du secteur de la vieille ville » (Cons. d’État, n° 87629 du 23/09/1991).
De même, « en raison de l'importance du trafic des passagers et des véhicules embarquant ou débarquant dans le port de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le maire a pu légalement, pour assurer la sûreté et la commodité du passage ainsi que la sécurité et la tranquillité publique, limiter en nombre et fixer les emplacements où pourraient s'établir les commerçants ambulants ; les restrictions ainsi apportées à l'exercice de leurs activités, ne comportent pas d'interdiction générale et absolue ; en subordonnant à une autorisation municipale, l'occupation prolongée par les commerçants ambulants, pour exercer leur activité, des emplacements fixes des voies publiques, normalement affectées à la circulation générale, le maire a pris une mesure qui ne porte pas par elle-même une atteinte illégale à la liberté du commerce » (CE, n° 55713, 17/01/1986, Boulogne-sur-Mer). De même, « le maire de Ramatuelle (Var) a pu légalement interdire la vente ambulante et le stationnement des véhicules aménagés pour cette vente sur les plages pendant la saison balnéaire, eu égard à l'affluence exceptionnelle des touristes, à l'encombrement qui en résulte sur les plages, et aux atteintes à l'hygiène publique qui en sont la conséquence, compte tenu notamment des conditions climatiques, de la nature des produits vendus et des procédés utilisés par les vendeurs » (Conseil d’État, n° 04631, 14/03/1979, commune de Ramatuelle).
Conseils : les arrêtés relatifs à la vente ambulante font l’objet d’un contentieux très important. Le maire devra donc être particulièrement attentif et précis dans la rédaction de son arrêté, en indiquant de préférence dans la motivation 2 ou 3 motifs précis et justifiés de limitations, de telle façon que le tribunal puisse au moins en retenir un en cas de contentieux et éviter une annulation. Il conviendra également de préparer à l’avance un dossier recensant les troubles à l’ordre public, afin de pouvoir les produire au tribunal.
La police municipale doit rendre compte et éventuellement interpeller l'auteur
La contravention de 4ème classe prévue par l'article 644-3 du Code Pénal, qui vise les mêmes faits est obsolète (voir l'avis publié au Journal Officiel du 27 décembre 2011 ici ↗).
Il s'agit désormais d'un délit.
Les agents de police municipale doivent dresser un rapport dès qu’ils constatent un délit de vente à la sauvette. En effet, « sans préjudice de l'obligation de rendre compte au maire (…), les agents de police municipale rendent compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance. Ils adressent sans délai leurs rapports et procès-verbaux simultanément au maire et, par l'intermédiaire des officiers de police judiciaire mentionnés à l'alinéa précédent, au procureur de la République » (art. 21-2, code de procédure pénale). Ils peuvent aussi – avec l’ensemble des précautions légales requises - procéder à une interpellation en cas de flagrance et remettre immédiatement le mis en cause à un officier de police judiciaire avec le rapport subséquent (voir notamment art. 73 et 803, code de procédure pénale).
Ce sont ces seules compétences. Il ne peut ni relever l'identité de l'auteur, ni procéder à la saisie et encore moins la destruction des marchandises, s'agissant d'un délit qu'il ne peut pas relever par procès-verbal.
Conseils : des actions coordonnées entre les différentes forces de police et le parquet peuvent être étudiées pour lutter contre la vente à la sauvette.
Dans le rapport de police, il est obligatoire de viser l’arrêté enfreint par le mis en cause (Cour de cassation, crim., 04-87849 du 6/09/2005 ; Cour de cassation, crim ., n° 06-80656 du 12/09/2006).
Le maire peut saisir la DGCCRF en cas d’occupation sans titre d’un domaine public
Lorsque le maire constate des ventes irrégulières sur le domaine public communal, ou sur autre domaine public, il peut également saisir la direction générale de la Concurrence, de la consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF). En effet : « il est interdit à toute personne d'offrir à la vente des produits ou de proposer des services en utilisant, dans des conditions irrégulières, le domaine public de l'État, des collectivités locales et de leurs établissements publics » (art L. 442-8, code de commerce, CC). Les agents de DGCCRF peuvent consigner les produits offerts à la vente et les biens ayant permis la vente des produits ou l'offre de services pendant une durée d’un mois. Le contrevenant s’expose à une amende de 1 500 euros (art. R. 442-2, code de commerce ; art. 131-13, code pénal).