Valeurs actuelles : ''Sécurité, Police Municipale : les maires doivent prendre leurs responsabilités''
Publié le 18 Septembre 2018
Armement des policiers municipaux : “Les maires doivent prendre leurs responsabilités”
Article du 12/09/2018
Entretien. “On voudrait nous faire croire que ce sont de rares mairies d’extrême droite ou de droite dure qui auraient des polices municipales armées, c’est entièrement faux”, rappelle Cédric Michel, président national du Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM), au lendemain de la remise d’un rapport parlementaire au gouvernement.
Ce mardi 11 septembre, jour de commémoration des attentats terroristes de 2001, les députés LREM Alice Thourot (Drôme) et Jean-Michel Fauvergue (Seine-et-Marne) ont remis au Premier ministre leur rapport pour favoriser la « coproduction de sécurité » entre police et gendarmerie nationales, polices municipales et acteurs de la sécurité privée. Cédric Michel, président national du Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM), reçu hier au ministère de l’Intérieur, en analyse les principales propositions.
Que pensez-vous de la principale mesure du rapport qui propose de rendre l’armement de la police municipale obligatoire, « sauf décision motivée du maire » ?
L’armement généralisé des policiers municipaux est une vieille revendication syndicale que nous défendons depuis toujours. Nous avions proposé auprès du ministère de l’Intérieur, du député Fauvergue et des diverses commissions du Sénat, à titre transitoire, l’armement sur le principe et que le non-armement, décision dérogatoire du maire, soit strictement motivée, c’est-à-dire un renversement de la règle actuelle. Donc, nous nous en félicitons. Mais ce n’est qu’une proposition, parce qu’en réunion au ministère de l’Intérieur, mardi, ils nous ont bien dit que ça n’était que le début de l’ouverture d’un débat et des discussions sur le sujet, sachant qu’il y a de très grosses oppositions des associations de maires, notamment de l’association des maires de France (AMF), qui refuse la généralisation de l’armement et souhaite que les maires puissent rester totalement libres de faire de la sécurité ou pas.
Pourquoi cette mesure est-elle une nécessité ?
Contrairement à ce que dit l’AMF, nous, nous voyons la réalité du terrain. Tous les policiers municipaux aujourd’hui en France sont exposés de plein fouet à l’insécurité et à la délinquance. Ce sont partout, où il y a des policiers municipaux, des primo-intervenants, c’est-à-dire les premiers arrivés sur le lieu d’intervention. C’est évident, car leur rôle est d’être sur la voie publique. Ils interviennent sur tout type d’événement, du vol à main armée, à la rixe, jusqu’au risque terroriste, parce que les circulaires du ministère de l’Intérieur, qui ont été multipliées depuis le début des attentats, imposent aux maires de sécuriser les lieux sensibles, comme les lieux de culte, avec leurs policiers municipaux.
Nous sommes donc exposés au même titre que la police nationale ou la gendarmerie, aux mêmes risques et aux risques les plus graves, que ce soit la délinquance de droit commun, comme dans le cas d’Aurélie Fouquet assassinée d’une balle dans la tête (tuée par un commando de braqueurs dans le Val-de-Marne, en 2010, NDLR), ou le risque terroriste, comme dans le cas de Clarissa Jean-Philippe, assassinée par l’ignoble Coulibaly (à Montrouge, dans les Hauts-de-Seine, en 2015, NDLR). Il est donc évident que nous devons être armés de la même façon. Aujourd’hui, il y a environ 50 % de policiers municipaux équipés d’armes à feu, c’est-à-dire que la moitié risque encore tous les jours leur vie sur la voie publique et ne peuvent pas se défendre. Il est donc nécessaire, puisque ces maires ne veulent pas prendre leurs responsabilités, que l’Etat le leur impose.
Les deux rapporteurs rappellent d'ailleurs que l'armement des policiers municipaux « entre progressivement dans les usages » (en 2016, 84 % des effectifs étaient déjà équipés d’une arme, quelle que soit la catégorie (de la bombe lacrymogène au calibre 38) et 44% étaient dotés d’une arme à feu).
Il y a de nombreuses contrevérités propagées dans la presse et les médias. On voudrait nous faire croire que ce sont de rares mairies d’extrême droite ou de droite dure qui auraient des polices municipales armées, c’est entièrement faux. Aujourd’hui, en France, il y a autant de mairies de droite que de gauche qui ont des polices municipales armées, que ce soit à Evry depuis Manuel Valls par exemple, mais aussi Lyon, ou des villes de droite. Il y a même des mairies communistes qui ont des polices municipales armées. Ce n’est pas un phénomène nouveau. Il y a bien une montée en puissance de l’armement des polices municipales depuis les attentats, mais la police municipale armée est en réalité un phénomène très ancien.
Que pensez-vous des critiques, souvent très idéologiques, qui vous sont faites ?
A propos des critiques concernant la formation, ce sont des a priori sans fondements. Aujourd’hui, les policiers municipaux sont strictement encadrés. Les contrôles, qui sont effectués, sont extrêmement plus draconiens que dans la police nationale ou dans la gendarmerie. Par exemple, lorsqu’un policier municipal est recruté, il doit passer un concours et des tests psychotechniques, il est nommé stagiaire pendant un an. Il suit alors une formation théorique et technique assurée par le CNFPT (centre national de la fonction publique territoriale) et passe six mois en unité. Ce n’est pas tout, il a un agrément du préfet, qui garantit sa moralité et son niveau de technicité, mais aussi un agrément du procureur de la République et une assermentation. Si son maire décide de l’armer, il doit en plus passer de nouveaux tests pyschotechniques, psychologiques, de capacité, suivre une nouvelle formation initiale et une formation continue. Tous ces critères, qui encadrent strictement la formation et le niveau de recrutement des policiers municipaux, sont très exigeants et ne sont pas suivis dans la police nationale ou dans la gendarmerie, où ils font un tir par an. Si demain, un policier municipal rencontre un problème de formation ou sur le terrain, le Préfet lui retire immédiatement son agrément et il n’est plus policier.
Ensuite, sur le plan de la nécessité de l’armement, ceux qui disent « nous ne sommes pas comme aux Etats-Unis » se bercent d’illusions. Aujourd’hui, les délinquants sont armés, c’est un état de fait. Nous avons dépassé les clivages idéologiques. Il est fini le temps où l’on pouvait dire nous ne faisons que de la prévention ou que de la répression. Ce n’est pas un choix. Nous sommes dans une situation sécuritaire critique, il est donc nécessaire que le policier municipal puisse protéger sa vie. Tous les jours, comme le rapporte la presse régionale et locale, des policiers municipaux interpellent des individus armés et dangereux. Ensuite, il y a le récent rapport évoqué par Le Parisien sur les cas d’usage des armes en très nette hausse, mais seulement valable pour la police nationale et la gendarmerie. Car pour ce qui est des polices municipales armées, les cas d’usage des armes sont rarissimes, c’est moins d’un cas par an, et sur l’ensemble des cas, aucun n’a été remis en cause, tous étaient légitimes. Donc quand j’entends dire que les policiers municipaux sont des cow-boys et que les cas d’usage des armes ont explosé, cela ne nous concerne pas. C’est bien la preuve qu’il y a un niveau de formation et de recrutement draconien, contrairement à ce que pense l’inconscient collectif.
Si la mesure est retenue, votre principal défi sera donc de convaincre les associations de maires.
Tout à fait. Parce qu’en réalité, l’AMF laisse la liberté aux maires d’armer ou pas leur police municipale. Et c’est tellement plus simple de dire : « Je ne m’occupe pas de la sécurité, c’est la faute de l’Etat, donc on se décharge de cette responsabilité. » Mais en 2018, personne n’a le droit de ne pas prendre conscience du risque sécuritaire en France. Je rappelle que le mesures d’exception concernant le risque terroriste durant l’état d’urgence ont été intégrées dans le droit commun. Tous les niveaux de l’Etat, maires compris, doivent prendre conscience et assumer leurs responsabilités face à l’insécurité. On n’a plus le droit, si on est un élu responsable, de ne pas faire de sécurité. Voilà pour le plan moral et politique. Quant au plan légal, les maires qui affirment qu’ils n’ont pas à faire la sécurité mentent à leur population. Les textes sont clairs et ils ne sont pas nouveaux. Depuis la Révolution française, les maires sont responsables de la police dans leur commune vis-à-vis de leurs habitants. Ils sont officiers de police judiciaire. A Béziers, le maire assume ses responsabilités, tout comme à Evry, ville dirigée par un maire socialiste. C’est une compétence des maires, qui sont représentants de l’Etat dans leur commune, ils doivent donc légalement le faire. Et ceux qui répètent que c’est à l’Etat de tout faire, c’est un acte de lâcheté. On ne quitte pas le navire quand il est en difficulté, les maires sont des capitaines et ils doivent prendre leurs responsabilités.
Quelles sont les autres mesures du rapport dont vous vous félicitez ?
Il y a beaucoup de propositions que nous avons faites au ministère de l’Intérieur et aux diverses commissions qui ont été retenues dans le rapport, comme la création d’une école nationale de police municipale. Nous avons aussi soutenu, notamment en milieu rural, la création des polices municipales intercommunales, financées en partie par l’Etat. L’accès aux fichiers, notamment au fichier des personnes recherchées, a également été retenu. Mais le rapport n’est pas une fin en soi. Beaucoup de choses n’ont pas été intégrées, ni même évoquées, et nous devrons faire face à une opposition des associations de maires. C’est pour cela que nous allons rencontrer dans les prochains mois et en 2019 un nombre important de parlementaires pour recueillir un maximum de soutiens. Nous sommes bien décidés à être acteurs du débat.