Le Sénat modifie la Loi sur la sécurité globale
Publié le 25 Mars 2021
« Loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés » les co-rapporteurs Loïc Hervé et Marc-Philippe Daubresse ont proposé de renommer le texte, dans une tournure aussi mielleuse que prudente. On peut noter ici, toute l'antipathie affichée et non surprenante du Sénateur Daubresse déjà dénoncée ici, à l'égard des acteurs de la sécurité locale.
Le passage en séance publique au Sénat a fait évoluer le volet technologique de la proposition de loi Sécurité globale. Il présente plusieurs avancées pour les policiers municipaux et les gardes-champêtres, ainsi que l’élaboration d’une doctrine d’emploi des drones.
Cette proposition de Loi continue à s'effectuer sans aucune consultation de la profession, et sans prise en compte de ses revendications professionnelles et sociales.
Expérimentation de l’usage des drones par les PM
L’article 22 instaure un cadre juridique pour l’utilisation des drones, comme exigé à plusieurs reprises par le Conseil d’Etat et la Cnil [la CNIL a recommandé l'interdiction pour l'ensemble des FDO de l'usage des drônes].
En séance, les sénateurs ont voté, sur proposition du gouvernement, pour expérimenter l’extension du dispositif aux policiers municipaux.
Les agents pourront utiliser des drones pour des motifs restreints aux missions essentielles de la police municipale, à savoir l’exécution des arrêtés de police du maire ainsi que le constat des contraventions à ces arrêtés. Il en sera de même pour les caméras embarquées dans les véhicules.
Les services demandeurs devront préalablement avoir conclu une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’Etat, et sollicité le préfet territorialement compétent pour contrôler le caractère nécessaire, proportionné et suffisamment sécurisé sur le plan technique.
La proposition prévoit en outre :
- De Préciser les exigences de formation des personnels,
- D’indiquer les cas concrets où l’usage des drones peut être considéré comme proportionné au regard des finalités autorisées par la loi,
- Définir les spécifications techniques (temps de vols maximum, altitude, précision des équipements vidéos, interdiction de visionner les images de certains lieux privés…), indispensables pour s’assurer que ces dispositifs ne portent pas une atteinte disproportionnée à la vie privée.
Caméras individuelles pour les gardes-champêtres
Le gouvernement propose d’expérimenter pour une durée de trois ans l’usage des caméras individuelles par les gardes-champêtres sur demande préalable du maire et autorisation du représentant de l’Etat dans le département (article 21 bis). Le dispositif s’inspire directement des dispositions applicables aux policiers municipaux :
- L’enregistrement n’est pas permanent,
- Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions des gardes champêtres, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents,
- Les caméras sont portées de façon apparente par les agents, un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre, le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent et les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent,
- Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de six mois.
Vidéoprotection : consultation obligatoire de la Cnil
L’article 20 prévoit d’encadrer davantage les pratiques liées aux caméras de vidéosurveillance et d’étendre aux policiers municipaux l’accès aux images. Des agents qui, comme l’a rappelé à plusieurs reprises le ministre de l’Intérieur, sont déjà nombreux à consulter ces images.
Déjà, en commission des Lois, les rapporteurs avaient inscrit plusieurs garanties suggérées par la Cnil, notamment le fait que la Commission nationale de la vidéoprotection soit consultée pour les projets de décret relatifs au régime de la vidéoprotection. Le texte a encore été renforcé en incluant la Cnil à cette consultation préalable.
Encadrement de la mutualisation de la vidéoprotection
L’article 20 bis A encadre la mutualisation des dispositifs de vidéoprotection et des centres de supervision urbain (CSU). Il permet d’une part la mutualisation d’équipements jusqu’au niveau départemental, et d’autre part le visionnage d’images de vidéoprotection de la voie publique par tout personnel agréé relevant du niveau communal, intercommunal ou issu d’un syndicat mixte.
Le gouvernement a proposé de rétablir la rédaction votée par l’Assemblée nationale, en y intégrant la possibilité de mutualisation au niveau d’un syndicat mixte dont le territoire s’étendrait sur deux départements limitrophes, et en revenant ainsi largement sur la version issue de la commission des Lois du Sénat. En effet, cette dernière ouvrait la possibilité au syndicat mixte concerné de mettre du personnel à disposition du président du département afin de surveiller le domaine public départemental.
Celui-ci « n’a pas de compétence en matière de sécurité intérieure, ni au titre de la police générale, ni au titre de la prévention de la délinquance. Il ne concourt aux actions de prévention de la délinquance que dans le cadre de l’exercice de ses compétences d’action sociale », peut-on lire dans l’exposé de l’amendement. « Je crois que ce serait un grand danger, si le Parlement ouvrait la voie à ce que d’autres personnes que le maire exercent le pouvoir de police », a ajouté le ministre de l’Intérieur en séance.
A noter que la commission mixte paritaire est prévue lundi 29 mars avant débats en séance.