Amnesia, un "nouveau cannabis" surdosé qui peut se révéler très dangereux

Publié le 14 Octobre 2013

LE PLUS.  Amnesia… Un nom aux consonances festives qui désigne une herbe "made in Europe" bien plus dosée en tétrahydrocannabinol que les résines marocaines. Doit-on s’inquiéter de l’arrivée sur le marché de ce "nouveau cannabis" ? Réponse avec Jean-François Hauteville, infirmier addictologue spécialisé dans la consommation de cannabis.

Édité par Henri Rouillier 

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Un homme se roule un pétard et s'apprête à fumer du cannabis (SIPA)

 

Dans ma pratique d’infirmier en addictologie, je n’ai fait qu’entrapercevoir l’arrivée d’un cannabis fortement dosé. Mais cela n’a rien d’étonnant et s’inscrit plutôt dans la vague des Cannabis Social Clubs, qui militent pour un cannabis de meilleure qualité, plus pur, à l’inverse de la résine marocaine, qui est coupée avec du goudron, des médicaments ou des billes de verre afin d’alourdir le produit !

 

Ces produits plus dosés en THC se situent donc dans le cadre de cette revendication d’un produit naturel, présenté comme une plante médicinale avec des vertus thérapeutiques. Sauf que je doute que les bénéfices liés à l’absence de produits tels que les billes de verre compensent les dangers de ce surdosage en THC, le tétrahydrocannabinol, principe actif du cannabis.

 

Consommateur surpris

 

Ce taux en THC risque de surprendre le consommateur. À la différence de l’alcool, où l’on peut arrêter sa consommation à partir de quelques verres lorsque l’usager sent que ça dérape, le cannabis empêche une telle maîtrise. Un joint se fume très vite et les effets se font ressentir dans la foulée. Fumer un produit qu’on ne connaît pas est dangereux. On avait déjà eu le cas à Lyon avec de l’héroïne moins coupée. La conséquence de cette pureté est le risque d’overdoses.

 

Dans le cas du cannabis, il existe un risque de provoquer "au mieux" un mauvais délire (des crises de paranoïa, l’impression d’être suivi par exemple, un "bad trip"), au pire une psychose cannabique, et, dans le cas de patients psychotiques qui utilisent le cannabis pour soulager leurs angoisses, un risque de rechute schizophrénique par exemple.

 

Tout dépend de la fragilité de l’individu. Chacun peut réagir différemment au même produit. Le cannabis peut provoquer un effet aigu d’euphorie ou de relaxation, des troubles de la mémoire, de l’équilibre, une modification du rythme cardiaque, une analgésie sélective (ne pas ressentir certains endroits du corps), des hallucinations visuelles ou auditives.

 

Spirale de la tolérance

 

Autre sujet d’inquiétude : le fait que le "nouveau cannabis" s’inscrive aussi dans la problématique addictive. En effet, le "toujours plus" fait partie de la structuration psychique des toxicomanes ; dès lors que l’on est un consommateur quotidien, une tolérance s’installe. Et l’on recherche des produits plus forts, pour avoir davantage de sensations.

 

Ces cannabis plus dosés peuvent donc avoir pour objectif d’augmenter les effets psychoactifs habituels du cannabis que sont la distorsion de la réalité, une fausse impression de ralentissement du temps, un effet sédatif, apaisant, relaxant, qui entraîne un syndrome amotivationnel (impossibilité de se mobiliser pour les gestes quotidiens de la vie courante).

 

Produit médicamenteux

 

Quand on voit que la consommation de cannabis n’est plus réservée aux adolescents et qu’une consommation de plus en plus tardive se banalise chez des gens de 40-50 ans, il est temps de réinterroger la possibilité de consommer du cannabis différemment. Lorsque l’on organise à l’hôpital des groupes de discussions sur le cannabis, peu de patients viennent, parce qu’ils se sentent stigmatisés. La dépénalisation permettrait des discussions plus simples autour de cette addiction.

 

La prohibition, c’est la politique de l’autruche. Autoriser le cannabis thérapeutique risque de relancer le débat sur la légalisation du produit, avancent certains. Mais l’utilité des opiacées et leur utilisation dans un parcours thérapeutique ont-elles légalisé pour autant l’héroïne ? La mise sur le marché de cannabis créerait un appel d’air et attirerait de futurs dépendants, s’écrient d’autres. Relativisons : le cannabis est déjà accessible à tous, il s’agirait simplement de permettre un meilleur repérage et encadrement.

 

Le cannabis est déjà utilisé dans d’autres pays comme un traitement pour traiter les douleurs neuropathiques résiduelles suite à un traumatisme, les spasmes de la sclérose en plaques, dans l’accompagnement de fin de vie et même dans l’anorexie mentale, puisque le cannabis ouvre aussi l’appétit. En France, nous sommes très en retard. Le débat est trop passionnel pour envisager une réflexion sur la dépénalisation de ce produit, qui me semblerait opportune.

 

Propos recueillis par Daphnée Leportois.

 

 

[source : leplus.nouvelobs.com]

Rédigé par SDPM

Publié dans #presse et sécurité

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