Claude Guéant va-t-il matraquer la gendarmerie?

Publié le 16 Mars 2011

http://www.marianne2.fr/photo/titre_1160408.jpg

 

Le secrétaire général de l’Elysée vient d’arriver au ministère de l’Intérieur. Ex-patron de la police, ex-bras droit de Pasqua, il pourrait être l’homme de la reprise en main des forces de sécurité et surtout de la gendarmerie.

 

Tefy Andriamanana - Marianne | Vendredi 4 Mars 2011 à 05:01

 

http://www.marianne2.fr/photo/art/default/931229-1104252.jpg?v=1299164503On a eu des médecins au ministère de la Santé, on aura un chef de police au ministère de l’Intérieur. Claude Guéant a quitté le secrétariat général de l’Elysée pour la place Beauvau, Brice Hortefeux étant donné partant pour un poste de conseiller auprès de Nicolas Sarkozy. Ce sera donc l'ex-éminence grise de Nicolas Sarkozy qui devra mettre en œuvre la politique de sécurité et d’immigration, credo de campagne pour 2012 mais aussi le point noir du bilan du chef de l’Etat. Il lui fallait un homme de confiance pour verrouiller un ministère clé. Mais le parcours professionnel de l'ex-secrétaire général était également intéressant pour Nicolas Sarkozy.

Claude Guéant, préfet, a toujours été au cœur des réseaux policiers. De 1994 à 1998, il a été directeur général de police nationale et a dû gérer la vague d’attentats de 1995. Nommé à ce poste par Charles Pasqua, ils se sont rencontrés alors que Guéant était secrétaire général de la préfecture des Hauts-de-Seine en 1986. C’est aussi à cette époque qu’il fait la connaissance de l'actuel chef de l'Etat. En 2002, Claude Guéant est nommé directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Il sera en cela un acteur principal du passage de la gendarmerie sous la tutelle de la Place Beauvau en 2009. Peu de patrons de la police se sont retrouvés ministre de l’Intérieur sous la Vème République. Jean Berthoin, ministre de l'Intérieur sous de Gaulle, a été directeur de la Sûreté générale en 1934. Robert Pandraud, ex-directeur central de la Sécurité Publique, a été ministre délégué à la Sécurité de Charles Pasqua entre 1986 et 1988.

Un chef de la police, c'était le profil idéal pour être le ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy. Le chef de l'Etat n'a en effet jamais caché son tropisme policier au détriment des gendarmes. Et à peine arrivé, Claude Guéant a imprimé sa marque. Son nouveau directeur de cabinet est Stéphane Bouillon, jusque là préfet de Corse. En juillet 2008, à l’époque conseiller de François Fillon, il avait rédigé une note proposant la fermeture de cinq écoles de gendarmerie, 15 escadrons de gendarmerie mobiles et de 175 brigades en trois ans. Le ministère de l'Intérieur, alors dirigé par Michèle Alliot-Marie avait alors affirmé que rien n'avait été décidé. Et finalement, ce seront... quatre écoles de gendarmes qui fermeront et les 15 escadrons seront fermés en 2010 et 2011.


Vers la fin de la gendarmerie ?

 

Comme directeur adjoint de cabinet, Claude Guéant a nommé Alain Gardère, policier, jusque là directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne. Ils se sont connus lorsque Guéant était préfet de Bretagne et Alain Gardère, directeur de la sécurité publique d’Ille-et-Vilaine selon Le Monde. De même, une des premières décisions de Guéant fut de renoncer à la fermeture de la caserne de CRS de Bergerac. En janvier, il aurait déjà fait pression sur Hortefeux pour qu’il renonce à fermer des casernes à Marseille et Sainte-Foy-Les-Lyon. Mais la fermeture d'escadrons de gendarmerie mobile a été maintenue.

Mais sans doute conscient de son image trop marqué de chef de la police, le nouveau ministre de l’Intérieur a tenu à rencontrer des gendarmes.. et des policiers pour son premier déplacement sur le terrain. Ce sont les gendarmes de Lucé et les policiers de Chartes qui ont eu cet honneur. Le choix du lieu n’est pas anodin. Guéant tenait à montrer qu’il ne s’intéressait pas qu’aux descentes du RAID dans les cités sensibles. « Il n'y a pas de questions de sécurité qu'en Seine-Saint-Denis et à Marseille. Il y en a aussi dans toutes les villes de France et dans les villages », a-t-il déclaré. Un petit clin d’œil aux gendarmes surtout connus pour servir en milieu rural. Un mouvement de colère parmi ces troupes pourrait avoir des conséquences fâcheuses. Même si les gendarmes n’ont ni le droit de grève ni le droit aux syndicats, ils peuvent mobiliser l’opinion via les associations de retraités ou d’épouse de gendarmes. Le mouvement est peut-être moins fort que chez les policiers mais pas inexistant. Reste à savoir si ces quelques paroles suffiront à rassurer.

A l’inverse, les syndicats policiers de toutes obédiences ont naturellement approuvé l’arrivée de Guéant saluant sa connaissance de la maison. La menace de fermeture de casernes de CRS, les commissariats supprimés, les postes en moins avaient déjà échauffés les esprits. L’installation d’un chef de la police à l’Intérieur est en cela un signe politique, histoire de dire que la Place Beauvau est bien le ministère des policiers. Et si Guéant a donné quelques gages médiatiques aux militaires, la perspective d’un effacement voire d’une disparition de la gendarmerie au profit de la police refait surface. En matière de sécurité, Nicolas Sarkozy n'aimerait voir qu'une seule tête, celle de Guéant de préférence.

Les flics du président

D’autant plus que l’arrivée de Guéant Place Beauvau a eu lieu peu après une autre promotion : celle d’Ange Mancini, comme coordinateur national du renseignement à la place de Bertrand Bajolet, nommé ambassadeur en Afghanistan. A son poste, Ange Mancini sera le premier interlocuteur de l’ensemble des services de renseignements français. Premier chef du Raid, il était auparavant préfet de la Martinique. Le monde étant très petit, il était numéro deux de la PJ quand Claude Guéant était chef de la police.

Car dans la police version Guéant-Sarkozy, on se croise et on se recroise. Michel Gaudin, préfet de police de Paris (donc ancien patron d’Alain Gardère, le directeur adjoint de cabinet), autre homme clé de la politique de sécurité, est lui aussi issu des cercles pasquaïens. Il a été directeur général des services du Conseil général des Hauts-de-Seine sous la présidence de Pasqua, il a également été directeur de la formation puis de l’administration de la police sous le patronage de… Guéant. De même, d’autres proches de Guéant et Sarkozy comme Bernard Squarcini, à la  tête de la DCRI, ou Erard Corbin de Mangoux, à la DGSE, dirigent les services les plus sensibles. Les postes clés dans le renseignement et la sécurité sont donc verrouillés par un petit cercle proche du ministre de l’Intérieur et du chef de l’Etat.

Comme chef de la police, Guéant a pourtant acquis une image de fonctionnaire impartial. Nommé par Pasqua, il a été conservé par Jean-Louis Debré en 1995 et par Chevènement en 1997 avant de devenir préfet de Franche-Comté, la région de… Chevènement, une belle faveur. Dans son livre Il a détruit la police de proximité (l’auteur parle de Nicolas Sarkozy), Jean-Pierre Havrin, actuel adjoint au Maire PS de Toulouse et ex-conseiller de Chevènement décrit ces rapports cordiaux entre son ministre et l’ex-chef de la Police. « Chevènement, qui a une haute opinion des préfets, ne voulait voir en lui qu’un "grand serviteur de l’Etat". Personnellement, j’ai toujours pensé qu’il ne jouait pas totalement le jeu avec nous. Bien sûr, il ne disait jamais non au ministre, mais je sentais bien que les "tuyaux étaient tordus"  dès le départ et que certains dossiers prenaient le chemin des écoliers », écrit-il. Et certains accusent déjà Guéant de vouloir instrumentaliser politiquement son ministère, chargé du renseignement intérieur et des élections, en vue de 2012.

C'est bien la prochaine présidentielle qui est en ligne de mire de cette volonté de reprise en main. Nicolas Sarkozy veut manifestement construire sa campagne sur son image de « premier flic de France ». Mais au delà de son bilan calamiteux sur les chiffres de la délinquance, il a surtout réussi à se mettre à dos, depuis 2002, tous les corps d’Etat chargé de la politique pénale et de sécurité. Les juges, sans cesse menacés de « sanctions », l’ont toujours dans le collimateur, il essaie d’amadouer les policiers, qui réclament plus de moyens, mais montre ostensiblement son mépris pour les gendarmes en nommant Guéant à l’Intérieur. A croire que sa politique soi-disant sécuritaire est plus politique que sécuritaire.

Rédigé par SDPM

Publié dans #politique et sécurité

Repost0