Délinquance : y a-t-il une idée neuve dans la salle ?
Publié le 1 Septembre 2011
Zone franche
La gauche se veut désormais aussi martialement incompétente que la droite sur le terrain de la délinquance. Pas très réconfortant.
Le débat sur la délinquance ou, plus précisément, le débat sur la manière de juguler la délinquance, c’est un peu comme le débat sur les finances publiques. Il y a la formule magique de gauche (la « prévention », corollaire d’une bonne vieille hausse des impôts), et la formule magique de droite (la « répression », pendant d’une baisse indiscriminée des dépenses).
Inutile de préciser que, sur un dossier comme sur l’autre, alternance après alternance, l’amélioration tarde à se faire sentir…
Des deux camps, la gauche a tout de même la plus belle marge de progression. Elle vient ainsi de découvrir que la criminalité n’était pas qu’un fantasme pour électeur du FN amateur de journal de 20 heures sur TF1 et s’avoue très tentée par une pincée d’approche droitière.
Prenez Ségolène Royal, Manuel Valls et Martine Aubry, par exemple : ils sonnent désormais tellement martiaux qu’on est à deux doigts de les saluer en hurlant « Yes Sir Yes ! » comme dans « Full Metal Jacket » lorsqu’ils détaillent leur cocktail prévento-répressif...
La droite, elle, serait plutôt dans l’illustration du principe de Peter qui pose que, promotion après promotion, on finit toujours par atteindre son seuil d’incompétence. Et de la place Beauvau à l’Élysée, on ne peut pas dire que l’ami Sarkozy ait fait des étincelles sur la question. Surtout si l’on habite Marseille.
« Nous mettrons des « policiers de proximité » partout, assurent les uns. De ces policiers sympas et ouverts qui, par leur seule présence et leur connaissance intime des quartiers, dissuaderont les braqueurs de casinos à kalachnikov de continuer à faire des bêtises ! »
« Tss… N’importe quoi, répliquent les autres, ce sont plutôt des « patrouilleurs » qu’il faut lâcher dans la nature. De ces policiers fermes et sans pitié qui, par leur seule présence et leur connaissance intime des quartiers, feront réfléchir à deux fois les agresseurs de vieilles dames ! »
250 000 policiers et gendarmes, jamais plus de 4 000 en service simultané selon la cour des Comptes
Tremblez, délinquants ! Manifestement, l’heure est à une certaine forme de consensus chez les politiques. Enfin, tremblez si vous n’avez pas entendu la cour de Comptes expliquer que si la France dispose du plus grand nombre de policiers/gendarmes d’Europe (250 000), elle n’en aligne guère que 4 000 à la fois sur l’ensemble du territoire à l’instant T… Alors ces 10 000 uniformes de plus, 10 000 uniformes de moins sur lesquels ergotent PS et UMP, l’œil rivé sur les sondages pré-présidentiels, on imagine la différence qu’ils feront.
On se prend pourtant à rêver (mais c’est un peu comme avec les finances publiques, on sait bien qu’on finira par se réveiller déconfit) d’une harmonie bipartisane qui se ferait sur d’autres bases que le recyclage de vieilles idées ayant surtout fait la preuve de leur inefficacité.
Si Paris se révèle incapable de manager les effectifs d’une brigade marseillaise ou dijonnaise ― ce qui tombe sous le sens ―, n’est-il pas temps de sortir la police municipale de son purgatoire idéologique et d’en faire l’instrument local et pertinent de l’application de la loi ? Après tout, il n’y a qu’en France que le concept d’une police locale passe pour crypto-fasciste, même si c’est à Pétain que l’on doit sa disparition…
Si une part croissante des violences contre les personnes est directement liée à un trafic de cannabis remplissant les coffres d’une mafia embryonnaire, n’est-il pas temps de reconsidérer la finalité d’une « guerre à la drogue » ingagnable ? Et d’occuper nos « 4 000 policiers simultanés » à des tâches un peu plus nobles que la chasse au fumeur de pétard ?
L’échange par le PS de son angélisme contre un nettoyeur haute-pression n’est pas un phénomène très encourageant. Ou alors pas plus que l’incapacité de l’UMP à revisiter une doctrine sans impact : à force de remplacer un super-préfet marseillais par un autre à, on ne va pas finir par épuiser les stocks. Y aurait-il enfin une idée neuve dans la salle ?
Hugues Serraf
Hugues Serraf est journaliste, écrivain et blogueur.
Aujourd'hui, éditorialiste à Atlantico, il est l'auteur dePetites exceptions françaises (Albin Michel, 2008) et de L'anti-manuel du cycliste urbain (Berg International, 2010).