Intervention intéressante de JP GARRAUD, sur la Justice et la Police
Publié le 16 Décembre 2010
Compte tenu du temps de parole qui m’est imparti, j’irai directement à l’essentiel de mon propos.
Je tiens, tout d’abord, à saluer les nombreuses avancées que contient ce projet de loi notamment en faveur du renforcement de la lutte contre la cybercriminalité, l’adaptation de l’action de la police et de la justice aux nouvelles technologies et les dispositions relatives à la sécurité quotidienne de nos concitoyens.
L’ensemble de ce dispositif vient ainsi compléter utilement notre arsenal législatif en améliorant les outils juridiques destinés à lutter plus efficacement encore contre la délinquance.
Cette délinquance qui diminue mais qui continue à être l’une des préoccupations essentielles des Français, surtout dans certaines zones, dites sensibles.
Difficile d’appliquer la loi dans ces territoires où le trafic de drogue génère toute une économie parallèle et entraine règlement de compte, utilisation d’armes de guerre, violences en tout genre.
Difficile d’appliquer la loi quand les policiers, les gendarmes, mais aussi les pompiers, les médecins parfois, sont agressés, pris pour cible et attirés dans de véritables pièges ou leurs vies sont en jeu.
Car c’est bien là le problème. Faire la loi est une chose, la faire respecter une autre.
Et surtout dans ces zones où les policiers sont tellement exposés, constamment en alerte, sous tension permanente.
Lorsque j’étais responsable de la formation des futurs magistrats à l’école nationale de la magistrature, j’ai toujours eu ce souci de bien faire comprendre à ces auditeurs de justice toutes les difficultés et les risques qu’encouraient quotidiennement les policiers sur le terrain. Je tenais à ce qu’ils se rendent compte que, derrière les procédures, derrière les procès verbaux, il existait de vrais dangers pour ceux qui sont chargés de faire respecter cette loi.
Ce n’est pas le même exercice que celui qui consiste à examiner une procédure dans son cabinet en ne l’abordant que d’un point de vue juridique et formel.
La vision policière et judiciaire d’un même dossier sont parfois très différente.
Le policier ou le gendarme connait tous les tenants et aboutissants d’une affaire, même ce qui n’est pas en procédure. Il a un avis souvent pertinent de la réalité mais le juge, quant à lui, ne doit s’en tenir qu’à ce qui se trouve dans le dossier, qu’à ce qui est établi juridiquement.
C’est toute la différence entre ces fonctions qui, par nature, sont différentes mais qui, en principe, devrait se compléter.
La Justice devrait, en effet, dans le respect de son indépendance, du procès équitable et des droits des délinquants et des victimes, parachever l’action policière. Pour être efficace, l’action complémentaire police justice est indispensable.
Or, l’incompréhension est actuellement grande entre ceux qui sont chargés de la sécurité publique et ceux qui jugent les délinquants.
L’actualité récente nous le démontre malheureusement.
Sans apporter de commentaires sur la décision du tribunal de Bobigny qui a condamné à de la prison ferme des policiers, c’est la réaction à cette condamnation qui est très révélatrice.
Personne ne conteste la gravité des faits mais la solidarité policière qui s’est manifestée dépasse et de beaucoup le contexte de cette affaire.
Il est normal que la Justice frappe fort sur ceux qui ont violé leur serment du respect à la loi mais il est compréhensible que, dans les conditions que l’on connaît, les policiers réagissent.
Sauf que tout ceci est en fait totalement inadmissible. Car c’est, à terme, le fonctionnement de l’Etat qui est en jeu.
L’immense majorité des policiers exercent leurs fonctions avec une parfaite conscience professionnelle et il en est de même pour une majorité de magistrats.
Les policiers qui abusent de leurs fonctions et les magistrats idéologues doivent être sanctionnés.
La police et la justice doivent se rapprocher, mieux se connaître et se comprendre en se débarrassant des préjugés, des procès d’intention, des suspicions réciproques.
Car il est vrai que la sécurité de nos concitoyens en dépend.
Je suis persuadé que c’est par des actions de fond, des actions de police judicaire, que les actions contre la criminalité seront les plus fortes, les plus efficaces.
Les opérations de sécurité publique, les opérations dites « coup de poing » sont nécessaires dans certains cas mais elles ne peuvent emporter les mêmes résultats que des actions de police judiciaire préparées en commun par la police et la justice.
En terme de lutte contre la criminalité, c’est bien lorsqu’un procureur ou un juge d’instruction travaille en confiance avec la police que des résultats sont obtenus.
Les exemples donnés par les groupements d’intervention régionaux et même les juridictions interrégionales spécialisées démontrent bien le succès de cette méthode.
A la veille de grandes réformes qui vont concerner toute la procédure pénale, la garde à vue, le jugement des crimes, il conviendrait de dissiper tous les malentendus entre ces grands corps de l’Etat. Il faudrait dissiper ce malaise et cette incompréhension que je décrivais.
Dans le respect des prérogatives de chacune, il est vital que la justice et la police agissent ensemble.
Finalement, en cumulant des recrutements et des formations de qualité, des moyens, des procédures adaptées, une politique pénale clairement affichée par le gouvernement et diffusée par les parquets, des enquêtes de police judiciaire approfondies, une meilleure connaissances des contraintes et des difficultés réciproques, une plus grande considération pour les fonctions liées à la sécurité et la Justice, les magistrats et les policiers devraient pouvoir agir en ce sens, avec comme objectif l’entière application de la loi dans le seul souci de l’intérêt général.