Jacques Pélissard est président de l'Association des maires de France,
député et maire (UMP) de Lons-le-Saunier (Jura). Il réagit aux déclarations du ministre de l'industrie, Christian Estrosi, qui a proposé de sanctionner les villes qui ne seraient pas assez investies dans la lutte contre
l'insécurité.
Que pensez-vous de la proposition de Christian Estrosi de sanctionner financièrement les
municipalités qui "ne se conforment pas à leurs obligations de sécurité" ?
Jacques Pelissard : Il y a en fait deux propositions : d'une part celle d'une "union
sacrée" des maires contre l'insécurité. Je souscris à cette idée, car je pense que le consensus existe déjà : tous les maires souhaitent une ville sûre, et toutes les populations adhèrent aussi
à cette idée. Cela ne pose pas problème.
L'idée de punir les maires, en revanche, me paraît peu réaliste. Ce serait inapplicable. Les mairies n'ont pas à rendre de comptes à l'Etat. Les maires sont élus
par les citoyens, ils seront jugés par les citoyens lors des prochaines élections. [note du bloggeur : faux les Maires sont des représentants de l'Etat dans la commune... ils
doivent donc rendre compte].
Ce que je reproche à Christian Estrosi, c'est de vouloir plaquer sur les villes de toute la France une solution unique et niçoise. Or chaque territoire possède ses spécificités, les communes
ont des types de délinquances différents, des réalités de terrain différentes. Chaque maire dispose d'outils, comme la vidéosurveillance ou les contrats locaux de sécurité, et c'est de la
responsabilité de chaque ville d'adapter des réponses précises à des problèmes précis.
Précisément, la vidéosurveillance comme l'usage de polices municipales font débat...
Jacques Pelissard : Là encore, ce n'est pas la même réponse partout. On compte en France pas moins de trois mille trois cents polices municipales. Certaines
ont des effectifs nombreux, d'autres des équipements de pointe, certaines sont armées, d'autres non...
Même la vidéosurveillance peut être très différente. Dans ma ville, j'ai opté pour la vidéoprotection : des caméras filment en permanence les lieux publics, les bandes sont effacées au bout de
quelques semaines, sauf s'il se produit un fait de délinquance. Les enquêteurs ont alors accès aux images. Dans d'autres villes, les caméras aboutissent à un PC de sécurité où une personne
surveille les écrans.
Mis en cause par Christian Estrosi, Michel Destot, le maire de Grenoble, a répondu en déplorant la
baisse des effectifs policiers dans sa ville. Est-ce un vrai problème pour les maires ? Faut-il plus de polices municipales ?
Jacques Pelissard : La sécurité est une responsabilité régalienne de l'Etat et doit le rester. [note du bloggueur :
faux] Dans nombre de villes moyennes, comme la mienne, la police nationale fait de la proximité comme monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir. Nous n'avons
pas besoin de rouvrir ce débat pour ou contre la police de proximité. Il faut que les municipalités assurent la prévention, et l'Etat la protection.
Quant à la police municipale, elle est à double tranchant : si on augemente ses effectifs, cela donne plus de raisons à l'Etat pour diminuer le nombre de policiers nationaux dans une ville.
C'est l'une des raisons pour lesquelles à Lons-le-Saunier, je refuse d'avoir une police municipale trop importante, pour ne pas perdre des effectifs de la police nationale.
De plus, la police municipale pose une question d'autorité : elle dépend du maire pour ses moyens, mais elle est sous l'autorité du procureur de la République et du préfet. C'est source de
confusions. Chacun doit assumer son rôle : aux maires la prévention, à l'Etat à la répression.
Mettre en cause les villes de gauche comme le fait Christian Estrosi vous paraît-il pertinent ?
Jacques Pelissard : Les maires font ce qu'ils peuvent, qu'ils soient de droite ou de gauche. Il y a des villes communistes ou socialistes qui ont mis en place
la vidéosurveillance. Mais tout dépend des conditions locales. Au maire de décider, en fonction de l'analyse qu'il fait de son territoire, ses besoins, et si la vidéosurveillance est nécessaire
dans sa commune.
Laissons les maires avoir la liberté et le choix des actions de prévention. Aucun maire ne réfute ce rôle, laissons-les agir !
Propos recueillis par Samuel Laurent