L'Echec de la politique de sécurité de VALLS
Publié le 23 Janvier 2014
Délinquance : la méthode
Valls mise à l'épreuve
LE MONDE | 23.01.2014 à 11h28 • Mis à jour le 23.01.2014 à 18h32 |Par Laurent Borredon
Manuel Valls à la préfecture de police de Paris le 4 décembre. | AFP/PIERRE ANDRIEU
On ne se refait pas. Jeudi 23 janvier, quelques instants avant que l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) ne présente les chiffres des crimes et délits constatés par les policiers et les gendarmes en 2013, Manuel Valls était en Seine-et-Marne, « afin de féliciter les enquêteurs pour le démantèlement d'un important réseau de cambrioleurs ». Un déplacement improvisé par le ministre de l'intérieur mercredi après-midi, pour obtenir quelques séquences pour les télévisions. L'image de l'action, face au mur des résultats.
En 2013, première année pleine pour M. Valls Place Beauvau, les vols sans violences (cambriolages, vols de voitures et de deux-roues, vols à la tire, etc.) ont augmenté de 4 % dans la zone protégée par la police nationale. Parallèlement, dans ce domaine, le nombre de faits élucidés s'est tassé, entraînant une chute du taux d'élucidation de 12,4 % à 11,8 %. La hausse du nombre de cambriolages (+ 6,4 %) continue de peser lourdement, même si leur élucidation s'améliore significativement (+ 8,2 %). Et, pour la première fois depuis 2008, le nombre de vols de voitures repart à la hausse.
Comme le rappelle une nouvelle fois l'ONDRP dans son bulletin 2013, ces statistiques ne constituent pas une « mesure de la délinquance commise ». L'Observatoire rappelle le « caractère partiel des statistiques sur les plaintes enregistrées par la police et la gendarmerie par rapport à l'ensemble des vols, violences ou atteintes subies par la population ». D'autant plus que ce bilan est borgne : il est impossible de mesurer l'évolution réelle des chiffres de la gendarmerie en raison d'une rupture statistique liée à la mise en place d'un nouveau logiciel d'enregistrement.
Dernier bémol, 2013 est certes une année pleine pour M. Valls, mais elle est comparée à 2012, dont les premiers mois – préélectoraux – restent sujets à caution en terme de statistique policière et gendarmique. Il n'en reste pas moins que personne ne peut nier la persistance d'une tendance de fond de hausse des cambriolages et des vols.
Jeudi après-midi, pour sa conférence de presse annuelle destinée à « faire le bilan de l'année 2013 » et « évoquer les grandes perspectives de l'année à venir », M. Valls devrait donc tout à la fois pointer les limites des statistiques, et mettre en valeur les points positifs que l'on peut y dénicher. Et il y en a. Stabilisation des vols violents contre des femmes sur la voie publique (qui correspondent en grande partie aux arrachages de bijoux), légère baisse des vols à main armée(notamment de bijouteries, – 31,5 %), baisse des règlements de compte…
Place Beauvau, on veut également croire que certaines hausses, celle des menaces par exemple, sont liées à une meilleure prise des plaintes par les policiers et les gendarmes « grâce à un discours du ministre qui n'est pas castrateur et qui encourage leur enregistrement et l'accueil du public ». La préplainte en ligne est également généralisée depuis le 1er mars.
D'autres indicateurs plus qualitatifs viennent enfin mettre du baume au cœur du ministre : pour la première fois en cinq ans, le nombre d'interpellations pour trafic de stupéfiants connaît une hausse significative : + 9,8 % chez les policiers et + 7,5 % chez les gendarmes. Pour le cabinet de M. Valls, c'est le « signe qu'un travail de qualité est mené ». Tout comme la hausse « à deux chiffres » des saisies d'avoirs criminels, dont le ministre avait fait une priorité.
Mais ces bons chiffres pèsent bien peu, dans la population, face à la poursuite de la hausse des cambriolages et des vols. En septembre 2013, une étude de l'ONDRP avait permis de corréler cette hausse avec le déplacement du sentiment d'insécurité vers les classes moyennes, les zones pavillonnaires et les espaces ruraux. M. Valls avait annoncé un plan anticambriolages, quelques semaines plus tard. « Cela va nous occuper pendant la très grosse partie de l'année, il faut qu'on renverse la vapeur », explique un conseiller. « La part des étrangers continue deprogresser, sous l'effet des groupes criminels de l'Est, notamment. Il faut qu'on trouve des solutions avec l'UE, et Europol », ajoute-t-il. La part des mis en cause étrangers dans les atteintes aux biens est passée de 14 % à 25 % entre 2008 et 2013.
C'est toute la difficulté du ministre, qui dispose de peu de leviers supplémentaires pour 2014. Les zones de sécurité prioritaires (ZSP) sont déjà 80. Une dernière vague pourrait toutefois être annoncée avant la fin de l'année, pour arriver à 100. Les redéploiements entre les zones de police et de gendarmerie se sont passés sans heurts, d'autres devraient avoir lieu. Les mutualisations vont également sepoursuivre. Mais l'année électorale politique, en mars et en juin, puis syndicale, en décembre, ne pousse pas à lancer de profondes réformes.
Bataille de chiffres sur l’immigration
Selon des chiffres donnés par Le Figaro dans son édition du jeudi 23 janvier, le nombre de régularisations serait en hausse et celui des expulsions en baisse. Pour le quotidien, qui cite le logiciel de la police aux frontières, la France aurait procédé à 1 850 éloignements forcés en moyenne chaque mois en 2012, contre 1 750 en 2013. En matière de régularisations, Le Figaro estime qu’elles ont été au nombre de 16 000, comme l’indiquait Le Monde le 18 novembre 2013, et non de 10 000 en 2013, comme l’assure le ministère. Manuel Valls a démenti ces interprétations, jeudi, dans un communiqué, assurant notamment que « le chiffre des retours dits contraints en métropole en 2013 sera supérieur au chiffre constaté en 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 » quand la droite était au pouvoir. M. Valls ne se prononce pas, toutefois, sur l’année 2012. Le ministre a annoncé qu’il communiquerait ses propres chiffres d’ici la fin du mois.
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