Les consignes très politiques de Hortefeux à ses préfets

Publié le 30 Décembre 2010

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Après le cafouillage des autorités dans la gestion de la tempête de neige sur l'Ile-de-France la semaine dernière et après la polémique sur son soutien aux policiers condamnés par le tribunal de Bobigny pour faux témoignage, Brice Hortefeux a besoin de résultats pour redorer son image.

 

http://s2.lemde.fr/image/2010/11/16/540x270/1440582_3_5b6b_brice-hortefeux-le-ministre-de-l-interieur-le.jpgLundi 13 décembre, le ministre de l'intérieur a donc convoqué les préfets place Beauvau pour un recadrage, en présence de François Fillon. A quelques jours de la fin de l'année, il leur a demandé de se concentrer sur un certain nombre d'objectifs précis.

Expulsions : atteindre à tout prix le quota. Alors que la majorité s'inquiète de la percée de l'extrême droite, c'est la première des consignes : "accentuer l'effort" sur les expulsions de sans-papiers. Car l'objectif de 28 000 reconduites à la frontière en 2010 n'est pas atteint. Il y a eu 25 511 expulsions sur les onze premiers mois de l'année, en baisse de 6 % par rapport à l'an dernier, révélait le Journal du dimanche le 5 décembre, ce qui a provoqué le mécontentement de Nicolas Sarkozy. Il reste deux semaines aux préfectures pour assurer les 2 500 restantes. Même au prix de l'inefficacité : en septembre, Eric Besson, alors encore ministre de l'immigration, reconnaissait que plus des trois quarts des mesures d'éloignement n'étaient pas exécutées, essentiellement car les dossiers, mal ficelés, étaient récusés par la justice.

 

Baisse de la délinquance en trompe-l'œil : Brice Hortefeux s'est félicité que la délinquance soit en baisse "pour la huitième année consécutive", selon lui. Mais cette statistique est très approximative. En réalité, comme c'est le cas depuis huit ans, les atteintes aux biens baissent légèrement, essentiellement du fait de l'amélioration des dispositifs de sécurité, notamment pour les vols de véhicules. En revanche les atteintes aux personnes augmentent constamment. Et avec elles le sentiment d'insécurité. Selon l'enquête de "victimation" de l'Insee, 20,5 % des personnes déclarent se sentir parfois en insécurité à proximité de chez elles, et 10,8 % de façon régulière. Deux chiffres en hausse (de 2,4 % et 1 %) depuis un an. Brice Hortefeux reconnaît d'ailleurs que les atteintes aux personnes sont "le talon d'Achille" de la politique sécuritaire.

 

Une "insécurité du quotidien" prioritaire, mais marginale. Pour lutter contre ce sentiment d'insécurité qui grimpe, Brice Hortefeux a demandé aux préfets de se concentrer sur les "bandes" ou la délinquance dans les transports en commun. Mais surtout sur "les formes d'insécurité du quotidien", plus bénignes, mais plus visibles.

 

Il en a cité trois : la "mendicité agressive", l'occupation illicite des halls d'immeuble et les réseaux de prostitution. Les deux premiers sont devenus des délits en 2003 à la faveur de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. La "mendicité agressive" ou "sous la menace d'un animal dangereux" est punie de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Depuis septembre, elle peut également justifier une expulsion du territoire, mesure qui, selon les associations, cible très spécifiquement les Roms. Il est difficile d'avoir des chiffres précis sur ce délit : la justice le regroupe parmi diverses atteintes à la sécurité publique qui vont des infractions à la législation sur les télécommunications ou sur les jeux de hasard en passant par le vagabondage. Au total, tous ces chefs d'inculpation ont représenté 1 014 peines sur 580 792 prononcées en 2008.

 

Quant au délit d'"occupation illicite de hall d'immeuble" (passible d'une peine de deux mois de prison et 3 750 euros d'amende, aggravée en cas de menaces ou de violence), également instauré en 2003 et durci en 2006 puis en 2010, il n'aurait conduit, selon Rue89, qu'à 114 condamnations en 2008 et 126 en 2007. En cause, sa définition même, qui le rend complexe à qualifier. Mais qui n'empêche pas le ministre d'exiger plus d'arrestations pour ce motif très symbolique.

 

"Communiquez sur les opérations." A défaut de résultats impressionnants, Brice Hortefeux a demandé aux préfets de mieux faire connaître leurs réussites. "Communiquez sur les opérations menées et allez sur place en constater les résultats", a demandé le ministre. "Pensez à la presse quotidienne régionale, a-t-il ajouté, mais aussi à la radio et aux réseaux sociaux." Les préfets ont notamment été incités à communiquer via... Facebook. Ils ont pour ce faire reçu un manuel leur expliquant comment se servir du leader des réseaux sociaux. Reste à voir si les internautes seront nombreux à "devenir fans" des pages Facebook de leurs préfectures.

 

La consigne du ministre n'est sans doute pas étrangère à l'initiative prise par le préfet des Alpes-Maritimes, département de Christian Estrosi et Eric Ciotti, deux des "champions" de la sécurité dans la majorité. Francis Lamy, qui fut conseiller technique d'Edouard Balladur, a pris l'initiative, en mai 2010, de se créer une page pour répondre aux organisateurs d'un "apéro géant" dans la ville.

 

La consigne a été suivie d'effet : mardi à la mi-journée, on comptait déjà six comptes de préfectures. Avec un succès populaire mitigé : la page la plus appréciée, celle de la préfecture de l'Oise, comptait... 123 fans. Il reste du travail pour exploiter ce vecteur de communication.

 

Samuel Laurent

 

source : www.lemonde.fr

Rédigé par SDPM

Publié dans #politique et sécurité

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