Sécurité : l'État cherche de nouveaux alliés

Publié le 7 Mars 2014

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Par Christophe Cornevin Mis à jour le 06/03/2014 à 21:07 Publié le 06/03/2014 à 17:52

 

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Forte délinquance, moyens limités… Manuel Valls veut s'appuyer sur la sécurité privée et les polices municipales.

Le port de commerce du Havre ou celui de Marseille quadrillé par des vigiles, l'accès aux zones réservées des aéroports et aux centrales nucléaires filtré par des sociétés de sécurité privées, les tribunes du Stade de France pacifiées par de solides «stadiers» ou encore les 24 Heures du Mans moto surveillées par des agents de protection… Sans oublier les patrouilles d'hommes en noir du Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance multipliant les rondes aux pieds des immeubles parisiens pour des missions antidélinquance…

De façon inexorable, le paysage de la sécurité en France est en pleine métamorphose. À la fois aiguillonné par une délinquance galopante et tenaillé par un budget corseté qui lui interdit de recruter davantage de policiers et de gendarmes, le ministère de l'Intérieur appelle à la rescousse de nouveaux partenaires non étatiques pour maintenir à niveau la protection du pays. Et recentrer les forces régaliennes sur leur cœur de métier.

Il s'agit là d'un changement de cap majeur pour les socialistes qui n'ont eu de cesse, pendant des années d'opposition, de fustiger les supposées «dérives à l'américaine» des «polices privées», de pourfendre la «vidéosurveillance» caricaturée en un orwellien «Big Brother» ou encore de vouer aux gémonies les polices municipales surtout quand celles-ci sont armées, comme à Nice ou Évry aujourd'hui.

Lors de son discours devant les forces de sécurité réunies le 30 septembre dernier à l'École militaire à Paris, Manuel Valls dresse un état des lieux sans appel. Déplorant l'«hémorragie des effectifs» qui s'est soldée par la «suppression de 13.700 emplois» sacrifiés sur l'autel de la révision générale des politiques publiques, le premier flic de France concède alors que cette «question est au cœur des préoccupations», allant jusqu'à reconnaître que «certains services, certaines unités, sont exsangues». Devant un parterre de galonnés, le locataire de la Place Beauvau prévient que «l'inscription territoriale de notre action commande aussi de mieux conjuguer le rôle des forces régaliennes, qui ne doit pas être amoindri, avec les missions des polices municipales et celles des acteurs de la sécurité privée».

«Que de chemin parcouru en trente ans ! Un quart de notre business dépend désormais de la commande publique pour protéger les ministères, les tribunaux, écoles, universités ou encore les hôpitaux.»

Claude Tarlet, président de la puissance Alliance nationale des activités privées de sécurité (Anaps)

Il est vrai qu'en période de vaches maigres ces deux «viviers» sont appelés à prendre une dimension stratégique. D'abord parce qu'ils sont en pleine expansion. Entre le début des années 1980 et 2013, le secteur de la sécurité privée a bondi de 60.000 à 150.000 salariés, employés par 9000 sociétés pour un chiffre d'affaires qui frise les 8 milliards d'euros. Le mastodonte croît de 3% à 6,4% par an. De leur côté, les policiers municipaux ont plus que quadruplé leurs effectifs pour atteindre les 20 000 hommes, dont 43% sont armés. Parmi eux, figurent 1500 gardes champêtres sur lesquels compte aussi le ministre de l'Intérieur. Ce dernier n'ignore pas que, désormais, les troupes de la sécurité privée et territoriale sont presque aussi nombreuses que les quelque 200.000 policiers et gendarmes réunis. Il sait aussi qu'elles se sont professionnalisées, davantage surveillées et encadrées par le législateur mais aussi par des codes de déontologie qui ressemblent parfois à s'y méprendre à celui qui régit l'emploi des forces de l'ordre. «Que de chemin parcouru en trente ans! Un quart de notre business dépend désormais de la commande publique pour protéger les ministères, les tribunaux, écoles, universités ou encore les hôpitaux», déclare Claude Tarlet, président de la puissante Alliance nationale des activités privées de sécurité (Anaps) avant de prévenir: «Nous n'intervenons pas dans le domaine régalien et ne le ferons jamais. Nous ne sommes pas dans une logique de compétition avec les policiers, les gendarmes ou les pompiers, mais plutôt dans celle de la complémentarité. En cela, le travail constructif et de confiance entretenu avec la Place Beauvau n'a jamais été aussi bon qu'avec Manuel Valls…»

Pragmatique, ce dernier a décidé de renforcer encore les liens en créant par un décret publié dimanche dernier au Journal officiel deux postes de délégués ministériels ad hoc, dont un spécifiquement chargé des «coopérations de sécurité», pour «conduire le dialogue» avec des acteurs du privé et des policiers municipaux, qui, plus que jamais, ont soif de reconnaissance.

[www.lefigaro.fr]

Rédigé par SDPM

Publié dans #politique et sécurité

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