Un gendarme aux assises après la mort d’un Gitan
Publié le 13 Septembre 2010
Un militaire accusé d’avoir tué en 2008 un homme de la communauté des gens du voyage, qui tentait de s’évader de la gendarmerie de Draguignan, comparaît devant la cour d’assises du Var.
GEOFFROY TOMASOVITCH | 13.09.2010, 07h00
Quatre jours après l’annonce de la probable mise en examen du gendarme impliqué dans la mort d’un Gitan, abattu le 16 juillet à Saint-Aignan (Loir-et-Cher), le procès d’un drame similaire s’ouvre ce matin devant la cour d’assises du Var, à Draguignan.
Christophe Monchal, gendarme de 43 ans, comparaît libre pour « coups
mortels » après le décès d’un membre de la communauté des gens du voyage tué en tentant de s’évader, en mai 2008, à Draguignan. « Le contexte lié à Saint-Aignan nous est
favorable », ne cache pas Me Régine Ciccolini, avocate des proches de Joseph Guerdner, la victime tombée à 27 ans sous les tirs de l’accusé.
Père de trois enfants, Joseph Guerdner vivait dans un campement à
Brignoles. Depuis 1996, il faisait l’objet de plusieurs procédures, notamment pour des vols et violences, parfois avec arme. Le 22 mai 2008, le délinquant, qui a foncé deux ans plus tôt
sur un véhicule de gendarmerie, se rend à la brigade de Brignoles pour son contrôle judiciaire. Des militaires l’interpellent car ils le soupçonnent d’avoir participé à l’agression violente et la
séquestration d’un routier en avril 2008. Guerdner, qui nie les faits, est placé en garde à vue et transféré à la compagnie de Draguignan, où va se dérouler le drame.
Menotté, le fugitif avait sauté par la fenêtre
Les enquêteurs le soupçonnent d’une « envie de s’enfuir ». Par précaution, l’homme a les poignets entravés et une cheville serrée par une menotte pour gêner ses mouvements. Le
23 mai à 21 h 30, Guerdner demande à fumer une cigarette. Le maréchal des logis-chef Monchal décrit comme « calme et posé » par ses collègues, l’escorte dans une cage
d’escalier près d’une fenêtre. La minuterie s’éteint. Le gardé à vue en profite pour sauter par la fenêtre. Il retombe 4,60 m plus bas, et court. Le gendarme tire à sept reprises. Atteint
par trois projectiles, Guerdner réussit à franchir un grillage et se réfugie dans un arbre de l’institution religieuse voisine où il sera découvert agonisant.
Gardé à vue, le gendarme explique — seulement à sa seconde audition — qu’il a fait des sommations en criant : « Arrête ou je tire. » Il affirme n’avoir jamais voulu tuer
le fugitif mais le stopper en visant les jambes, seul moyen de le neutraliser. Christophe Monchal est mis en examen pour « coups mortels ». Au terme de l’instruction, il bénéficie d’un
non-lieu, conformément à l’avis du parquet. Le juge estime que toutes les conditions (fuite caractérisée, dangerosité du suspect, sommations...) étaient réunies pour autoriser le gendarme à
ouvrir le feu sur l’évadé, conformément à un décret de 1903 sur l’usage des armes par les militaires.
Scandalisés, les proches de la victime font appel. Fin 2009, la chambre d’instruction leur donne raison en ordonnant un renvoi aux assises. Dans son arrêt, la chambre d’instruction dépeint
Guerdner comme un « personnage éminemment dangereux » avec « la volonté de s’évader coûte que coûte ». Les magistrats écartent toute intention homicide chez Monchal. Mais ils
soulignent que le fugitif était entravé et pas armé. Selon eux, il y avait pour le gendarme une « possibilité d’alerter les autres militaires et d’organiser une course-poursuite ».
L’usage de l’arme à feu n’était pas le « seul moyen d’arrêter Joseph Guerdner ». « Ils auraient pu le rattraper autrement, les tirs n’étaient en rien justifiés », insiste M e
Ciccolini, en notant l’absence de « nécessité absolue » exigée pour qu’un militaire tire. Verdict attendu vendredi.