Voile intégral : des syndicats de policiers s'inquiètent
Publié le 4 Avril 2011
Par Alexandra Guillet , le 04 avril 2011 à 15h33, mis à jour le 04 avril 2011 à 17:06
Alors que le ministre de l'Intérieur a fait parvenir aux forces de l'ordre la circulaire d'application sur l'interdicition du voile intégral, applicable à compter du 11 avril, plusieurs syndicats de police s'inquiètent de sa mise en oeuvre.
Des personnes portant le voile intégral marchent dans une rue du centre de Marseille, le 24 décembre 2009. photo AFP
L'interdiction du port du voile intégral dans les espaces publics en France sera une réalité à compter du 11 avril prochain. Cette loi inquiète depuis le départ les policiers car c'est à eux qu'il incombera de la faire respecter. Prévoyant, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant vient de transmettre une circulaire aux forces de l'ordre expliquant dans le détail ce qu'elles devront faire, ou ne pas faire, en présence d'une femme voilée (lire notre article : Voile intégral : les consignes aux forces de l'ordre et regarder Voile intégral : que dit le texte ?).Pour Jean-Claude Delage, secrétaire général d'Alliance, le 2e syndicat de gardiens de la paix,"avec un cadre bien défini comme celui-là il n'y aura pas de problème d'applicabilité". La circulaire précise notamment qu'en aucun cas un policier ne pourra ôter lui-même un voile à une femme et que celle-ci ne pourra être placée en garde à vue pour une telle infraction mais seulement "retenue" au maximum 4 heures au commissariat, le temps de procéder à son identification, etc... "Sur le terrain, il faudra agir avec discernement", précise toutefois le syndicaliste (pour écouter son interview sur LCI, cliquez ici), dont l'optimisme n'est pas pleinement partagé par d'autres syndicats.
"Le seul moyen de contrôler une personne, c'est de voir son visage"
"Il est évident que cette loi
va poser des problèmes dans son application, estime également Philippe Capon, responsable de l'Unsa police. Pour un policier, le seul moyen de contrôler une personne, c'est de voir
son visage pour le comparer avec la photo sur la pièce d'identité. Quand vous contrôlez un conducteur qui n'a pas sa ceinture, vous prenez
ses papiers, vous le verbalisez et quand il repart il porte la ceinture. C'est simple. Mais que faire avec une femme qui ne veut pas ôter son voile ? Le policier va devoir faire preuve de
discernement - s'agit-il d'un contrôle de routine ou d'une personne impliquée dans une affaire ?- et de compréhension. Tout comme la personne contrôlée, si on veut que tout se passe
bien".
La circulaire, elle, prévoit que "soit la personne
ôte elle-même son voile, soit on la conduit au poste pour établir avec certitude son identité". C'est à ce moment là que les choses "risquent de poser problème" prévient Yannick Danio, car pour pouvoir transporter la personne au commissariat, il faut
effectuer une palpation de sécurité, et si la personne n'est pas d'accord, il faudra la menotter. En fonction de l'environnement, la situation pourrait alors dégénérer rapidement en
outrage à agent ou acte de rébellion, qui ne sont plus des infractions mais des délits".
"Cette
loi a d'abord été prise pour éviter tout prosélytisme dans des lieux publics"
Patrice Ribeiro, secrétaire national de Synergie Officiers pense lui aussi qu'"il y aura forcément des incidents" avec cette loi car "elle sera très difficile à appliquer dans certaines banlieues". "Je ne vois pas des policiers aller contrôler des dizaines de femmes voilées en train de faire leur marché à Vénissieux ou à Trappes, explique le syndicaliste. De même qu'un policier ne se comportera pas de la même manière avec une Saoudienne qui s'apprête à entrer chez Vuitton sur les Champs-Elysées. Dans tous les cas, les forces de l'ordre devront agir avec mesure et discernement".
Le syndicaliste tempère toutefois l'impact que cette loi pourrait avoir sur le quotidien des policiers : "Cette loi a d'abord été prise pour éviter tout prosélytisme dans des lieux publics. Elle ne va pas devenir d'un coup la priorité numéro un des policiers". Ce qui inquiète le plus Synergie Officiers, c'est le comportement que pourraient avoir les politiques. "Il ne faudrait pas que les policiers soient lâchés en plein vol par des politiques qui auraient voté le texte au plan national mais qui auraient des problèmes avec son application au plan local".