L'Obs : Tribune du SDPM concernant l'affiche de Béziers.
Publié le 12 Février 2015
À Béziers, le "nouvel ami" de la police est un pistolet : je ne suis pas choqué
La campagne du maire frontiste de Béziers pour annoncer l'armement des policiers municipaux(SYLVAIN THOMAS / AFP)
LE PLUS. Les affiches destinées à annoncer l'armement des 55 policiers municipaux ne sont pas passées inaperçues à Béziers. L'initiative du maire amuse le web, déchaîne les politiques et surprend les passants. Cédric Michel, président du syndicat de défense des policiers municipaux, se réjouit de la campagne controversée. Explications.
Édité et propos recueillis par Barbara Krief
"Désormais la police municipale à un ami". Je dirais même "un meilleur ami !".
Rassurer les citoyens, intimider les criminels
L’affiche publicitaire, installée par le maire d'extrême droite de Beziers pour annoncer aux citoyens que les policiers municipaux seront bientôt armés, ne me choque pas du tout. Au contraire.
La décision de Robert Ménard d’armer les 55 policiers municipaux de Béziers et d’augmenter leur nombre me semble judicieuse, surtout vu le contexte actuel en France. Prévenir les citoyens de cette évolution avec une affiche marquante est plutôt une bonne idée. La démarche du maire me semble totalement appropriée. Pourtant, je ne fais pas parti du fan club de Ménard !
L’arme que l’on voit dessus effraie ? Tant mieux ! Le slogan se veut rassurant pour les citoyens mais intimidant pour les voyous. "Nous sommes armés. Nous avons les moyens de défendre les civils.", voilà le message.
Il ne devrait y avoir aucun tabou sur le port d’arme des policiers. Porter une arme c’est la garantie de pouvoir au moins se défendre et riposter face à une attaque armée. Je ne vois pas pourquoi nous en serions privés alors que les policiers nationaux et les gendarmes y ont le droit.
La liberté d'expression au premier plan
La formation des policiers municipaux est satisfaisante, elle est d’un niveau identique à celle de la police et de la gendarmerie nationales. Les policiers municipaux ne sont pas de la chair à canon ! Je suis personnellement fondamentalement pour l’armement généralisé pour la police.
Ce principe fondateur était celui de notre syndicat bien avant la mort de notre collègue, Aurélie Fouquet, en 2010 et les attentats de janvier 2015. Ces évènements tragiques n’ont fait que renforcer notre conviction et ont permis de remettre le sujet sur le devant de la scène médiatique. Finalement, peu importe qui porte notre message, du moment que les choses avancent.
On a tous été "Charlie", on a tous soutenu la liberté d’expression, alors de quel droit peut-on interdire les affiches du maire de Béziers ? Ménard est un élu de la République, il est légitime par le vote de ses administrés, et sa campagne doit être respectée.
Si on veut lancer un débat et bousculer les biens pensants, ce n’est pas avec des affiches molles et des slogans flous que l’on y arrivera. Il faut choquer un peu réveiller les pensées.
Au syndicat, il nous arrive de faire des affiches beaucoup plus incisives que celle-là. Après les attentats, j’en ai réalisé une mettant en scène un policier tenant entre ses mains une pancarte "je ne suis pas une cible".
Une affiche du SDPM (Syndicat de Défense des Policiers Municipaux)
Même formation que la police nationale
Les policiers municipaux ne sortent pas de nulle part. Ils sont recrutés sur concours ou sont issues d’une passerelle, c’est-à-dire qu’ils viennent de la police ou de la gendarmerie.
D’ailleurs, les policiers municipaux sont formés par les mêmes moniteurs que ceux de la police nationale et de la gendarmerie. Le système est extrêmement sérieux, tout le monde ne peut pas avoir une arme.
Pour obtenir une autorisation, il faut que le maire fasse une demande nominative et individuelle au préfet. Ce dernier étudie le dossier : le passé de l’agent, ses capacités physiques et psychologiques. Tous les policiers municipaux sont ensuite nommés stagiaires pendant un an et suivent une formation théorique et technique, en plus d’une formation continue tous les 4 ans. Le fonctionnaire suit également une formation complémentaire initiale de 15 jours.
Ce n’est donc pas, comme j’ai pu l’entendre, n’importe quel ami du maire qui peut se procurer une arme ou être recruté par favoritisme, sans formation ni aptitude.
La satire fait partie du patrimoine français
Les moqueries des citoyens, qui sont apparues sur le web après la mise en place des affiches, me paraissent normales dans une société démocratique. Toujours dans l’idée de préserver la liberté d’expression, nous devrions laisser le peuple s’exprimer librement.
La satire fait partie du patrimoine français.
Ca ne sert à rien de lutter et d’être susceptible. Moi, ça ne me vexe pas. Ca me rappelle Coluche et son sketch sur la police. Comme les internautes sur Twitter, l'humoriste se moquait déjà des policiers en incarnant un agent ivre avec un sifflet.
A l’inverse, ce qui me dérange c’est la réaction de certaines personnalités politiques. Je trouve indigne que ces personnalités politiques puissent s’en prendre aux fonctionnaires voir les discréditer, pour régler des comptes politiques ! Ces agents font leur métier avec le plus d’intégrité possible, sont bien formés et sont armés en toute légalité.
Le volet politique ne nous intéresse pas
J’ai pu lire par exemple, que des policiers municipaux sont traités de "cowboys" ! Les fonctionnaires se trouvent les bouc émissaires de batailles purement politiciennes qui ne nous regardent pas.
Ces élus se décrédibilisent, car certains de leurs propres collègues de gauche ou de droite, ont aussi des services de police municipale armés voir plus armés que celle de Ménard.
Personnellement, je suis d’accord avec son message, qui concerne uniquement la police municipale et la sécurité. Je ne m’occupe pas de l’idéologie à laquelle il peut appartenir, ce n’est pas mon affaire.
J’ai soutenu des programmes de sécurité d’élus socialistes, de l’UMP ou de l’UDI. Ce qui m’importe c’est le pragmatisme et l’efficacité en matière de sécurité, le volet politique ne nous intéresse pas. Je suis désolé de voir que, bien souvent, c’est l’inverse qui prime.
Stop aux idées reçues sur notre métier
Pour ce qui est de la légalité de la publicité, je ne peux qu’y voir un faux problème. Il est interdit en France de faire de la publicité pour vendre des armes. Il n’est pas interdit de faire de la publicité pour prévenir les citoyens et les voyous que les policiers municipaux seront bientôt armés. C'est simplement annoncer une réalité.
Le contexte actuel est bien trop violent pour que nous puissions travailler sans arme. Arrêtons la bien-pensance écœurante. Et surtout, arrêtons d’entretenir des idées erronées sur notre métier.
Propos recueillis par Barbara Krief.