Interview de Jean-Paul GARRAUD, secrétaire national de l'UMP délégué à la Justice

Publié le 21 Septembre 2011

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JP GARRAUD – Défenseur de la justice et de la sécurité

 

Magistrat de terrain pendant plus de 20 ans et Député de la Gironde depuis près de dix ans, Jean-Paul Garraud est porte-parole et rapporteur de nombreux textes relatifs à la sécurité et la justice. Nommé Secrétaire National UMP à la Justice en janvier dernier, il livre son point de vue, dans une interview exclusive conduite par le SDPM, pour  Vidéosurveillance Infos.

 


Q – Ardent défenseur de la justice et des victimes, en  tant que magistrat, on vous reproche souvent de bouleverser les codes, notamment de privilégier le droit des victimes…

En droit pénal, il y avait un déséquilibre très net entre les droits des victimes et les droits des suspects et des présumés auteurs d’infraction jusqu’à leur condamnation, déséquilibre que j’ai ressenti lorsque j’étais juge d’instruction, Président du tribunal correctionnel, ou bien encore membre de Cour d’assises.  Selon moi, dire que la victime a des droits n’est pas faire du populisme. Des progrès ont été faits, mais on doit aller plus loin.  Souvent ces victimes cherchent à faire progresser leurs droits, alors qu’elles ont parfois vécu l’horreur. C’est assez admirable !

 

Q –Vous définiriez-vous alors comme partisan du slogan « force doit rester à la loi » ?


La force doit bien évidemment toujours rester à la loi. Quand j’étais à l’instruction, j’avais apparemment la réputation d’être sévère,  mais juste. Or, quand on est juste, il me semble que la sanction est comprise. Il n’y a rien de pire que d’avoir un double discours, il faut dire les choses clairement. L’infraction à la loi doit être réprimée. Pour cela, il faut une réponse pénale systématique à tout acte de délinquance ; réponse qui doit être adaptée à la personnalité de l’auteur, à la gravité de l’infraction, mais qui doit exister dans tous les cas de figure, car s’il n’y a pas de réponse pénale systématique, nous allons vers des dérives qui peuvent être gravissimes.

 

Q- Regrettez-vous aujourd’hui un manque de sévérité de la justice ?


Je ne souhaite pas raisonner en ces termes. Nos concitoyens ne comprennent pas toujours le système judicaire. Ils ne comprennent pas que certains individus, ayant commis des faits graves et répréhensibles, se retrouvent en liberté, finalement, assez rapidement. Or, de nombreux jurés, au fur et à mesure du procès, se rendent compte de la complexité des affaires et finissent par douter et avoir des avis moins tranchés qu’initialement. Les choses ne sont donc pas si simples. Il est nécessaire que la justice soit comprise par le peuple puisque la justice est rendue au nom du peuple.


On note également une incompréhension entre la justice et le pouvoir politique, le politique connaissant mal le système judiciaire et le système judiciaire ayant beaucoup d’apriori sur le politique. Or, je suis persuadé qu’il y a, dans le respect des prérogatives de chacun, un équilibre à trouver. La justice, un des piliers régaliens de l’Etat, doit faire son métier dans une véritable indépendance, sans oublier qu’il s’agit aussi d’un service public avec ses obligations et ses contraintes.

 

Q – Ce clivage n’est il pas né du fait que, bien que le pouvoir judiciaire soit indépendant du pouvoir politique, une partie de la population semble parfois en attente du pouvoir politique par rapport à cette justice…


En ce qui concerne la justice, tout comme pour la sécurité,  nous mettons en place des instruments, des outils, des moyens. Rapporteur du budget de la Justice depuis 2002, je peux vous affirmer que, le budget consacré à l’amélioration du système judiciaire a connu,  en prés de 10 ans, une augmentation inégalée jusqu’alors. Ce qui nous a permis de recruter, de construire plusieurs palais de justice et établissements pénitentiaires et d’en restaurer. Mais, c’est encore insuffisant en ce qui concerne le fonctionnement de la justice judicaire courante. Au niveau législatif, pénal en particulier, notre seule ambition a été de donner des outils nouveaux aux juridictions, élargir la palette des possibilités données en terme de réponse pénale. Je souligne que seules les autorités judiciaires décident de l’utilisation de ces outils mis à leur disposition.


Ayant été notamment directeur adjoint de l’école nationale de la magistrature, je peux assurer que la formation de magistrat est de grande qualité. Elle a même été récemment réformée, suite à l’affaire dite d’Outreau (1),  Il est donc indispensable d’arriver à dépasser cette sorte de clivage qui existe entre, d’un coté des juges qui ne veulent surtout pas avoir affaire au monde politique, au nom de leur indépendance, et des politiques qui ignorent les réalités du monde judiciaire.

 

Q – Etes-vous favorable à la révision de la loi sur la légitime défense ?


L’évolution jurisprudentielle sur la légitime défense n’a pas été simple : la proportionnalité de la riposte à l’attaque est une notion complexe car des cas particuliers se présentent régulièrement. Il est indispensable de poser des règles très strictes en la matière. Il y a parfois des cas difficiles. Ainsi, de braves citoyens se retrouvent parfois dans des situations impossibles…


Concernant la légitime défense des policiers, il reste certainement beaucoup de progrès à faire. Tout d’abord, je crois qu’il ne doit pas y avoir de procès en suspicion à l’encontre des policiers. Ceux-ci accomplissent dans leur immense majorité des missions essentielles pour la société et nous leur devons une reconnaissance certaine. Mais, si certains enfreignent la loi, il faut qu’ils soient réprimés sévèrement. J’ai été témoin de situations incroyables où des délinquants mettaient injustement en cause la parole de policiers, faits alors amplifiés par certains médias. Les policiers et gendarmes ont un rôle de très grande responsabilité, risquant leur vie au service de la nation. Ces mises en cause totalement infondées sont inadmissibles.

 

Q- La Cour des comptes a publié, le 7 juillet dernier, un rapport assez accablant, notamment  sur le rôle de la police municipale, visant le développement de la police municipale au détriment des forces de sécurité de l’Etat, ainsi que sur la gestion de la filière sécurité au sein de la fonction publique territoriale. Quel est votre avis sur ce point ?


Je suis évidemment très attentif à ce rapport de la Cour des comptes et j’en tirerai bien sûr toutes les enseignements. Dans les propositions de loi que je rédige, notamment celle relative à la création de la police territoriale, je réponds par anticipation aux critiques  portées par la Cour des Comptes. Nous savons d’où viennent les difficultés et nous devons prendre en compte la gestion  de la sécurité au sein des collectivités territoriales.


Concernant la prévention de la délinquance, tous les procédés incitatifs à l’accroissement de la sécurité me semblent justifiés. Si le rapport indique des imperfections, notamment dans l’insuffisance d’évaluation de l’efficacité de la vidéoprotection,  je déplore le fait que, pour des raisons idéologiques, certaines communes refusent la mise en place de caméras vidéo. C’est le cas notamment à Libourne. J’ai plusieurs fois interpellé la mairie, sur ce point.  J’ai même proposé des solutions pour équiper certains sites sensibles de caméras, dans cette ville, mais en vain. Il me semble que  même si ce n’est pas parfait c’est au détriment de la sécurité des Libournais.

 

 

(1) Le 14 décembre 2005, il est nommé vice-président de la Commission d'enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de la justice lors du procès d'Outreau

Rédigé par SDPM

Publié dans #communiqués SDPM

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