Où en est l'enquête sur la fusillade de Villiers-sur-Marne
Publié le 25 Mai 2010
A la veille des obsèques d'Aurélie Fouquet, la jeune policière municipale tuée dans une fusillade à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), le 20 mai, des zones d'ombre persistent. Décryptage.

Une camionnette brûle le 20 mai 2010, quelques instants après l'éclatement d'une fusillade au cours de laquelle quatre personnes ont été blessées à hauteur de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne).
Comment les policiers sont-ils remontés jusqu'au commando?
Deux jours avant la fusillade, le mardi 18 mai, un fourgon utilitaire "suspect", un Renault Master, est repéré par une patrouille de police, dans le bois de Vincennes, à l'Est de Paris. Le véhicule est muni de fausses plaques. Sa localisation, à l'écart des grandes artères parisiennes, fait craindre qu'il ait été volé et remisé là dans l'attente d'un braquage. La brigade de répression du banditisme (BRB) est alertée. Elle décide de mettre le Master sous surveillance pendant la nuit. Rien ne se passe. Les policiers lèvent le dispositif. Mais lorsque la planque reprend, le lendemain, le véhicule a disparu. Il est finalement retrouvé à quelques kilomètres de là, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). Selon France Soir et Libération, il avait été équipé au préalable d'une balise.
Le fourgon était-il physiquement filé au moment de la fusillade?
"Non", assure la police judiciaire. En tout cas, le Renault Master n'a pas été aperçu lors de la course-poursuite qui a abouti au drame. Le jeudi 20 mai, vers 9h30, des policiers en tenue de Créteil (Val-de-Marne), au Sud-Est de Paris, repèrent un autre fourgon Renault, de type Trafic celui-là, qui porte des traces suspectes au niveau des portières. Ces dernières ont, semble-t-il, été forcées. La patrouille décide de contrôler le conducteur. Mais le fourgon démarre en trombe et une fusillade éclate sur l'autoroute A86, puis sur l'A4. Une automobiliste est grièvement blessée au poumon et un chauffeur de poids-lourd est plus légèrement touché au pied. A Villiers-sur-Marne (Val-de-marne), les malfaiteurs prennent une bretelle de sortie et occasionnent un accident. Ils mettent le feu à leur camionnette. Deux policiers municipaux en patrouille s'approchent mais sont visés par des tirs, "destinés à tuer" selon une source policière. Aurélie Fouquet, une policière de 26 ans, jeune mère de famille, est touchée par une rafale de Kalachnikov. Elle meurt, après avoir été conduite dans un état critique à l'hôpital.
Pour s'échapper en direction de la Seine-Saint-Denis, les malfaiteurs volent une première voiture, puis une seconde, une Mercedes. Mais à Villiers, les enquêteurs de la Brigade criminelle découvrent un indice capital: la plaque d'immatriculation du fourgon Trafic calciné est la même que celle de la camionnette suspecte traquée, depuis deux jours, par la BRB. Le rapprochement est fait. La brigade recherche et d'intervention (BRI) est immédiatement envoyée en renfort, pour surveiller le Master, remisé à Champigny-sur-Marne. Vers 23 heures, un homme se dirige vers le fourgon, un sac de sport à la main. Il est arrêté et décline son identité: Malek Khider, 41 ans. Selon une source proche de l'enquête dans son sac, on trouve du matériel pour deux personnes: fusil d'assaut (l'un de type Kalachnikov, l'autre de marque HK), deux gilets pare-balles, des cagoules et des fumigènes... L'attirail du parfait braqueur. L'homme en a d'ailleurs le profil: il a été condamné à douze ans de prison pour vol à main armée, séquestration et violence.
Malek Khider a-t-il ouvert le feu?
Aucun élément ne le prouve, ni les images de vidéosurveillance de l'A4, ni l'exploitation du trafic téléphonique ce matin là. Malek Khider, mis en examen pour "assassinat de personne dépositaire de l'autorité publique" et écroué, a avoué faire partie du groupe de malfaiteurs à l'origine de la fusillade. Mais il continue de nier avoir ouvert le feu. "Malek Khider n'a jamais tiré sur les forces de l'ordre, il a un code d'honneur", déclare son avocat, Me Joseph Cohen-Sabban.
Son rôle dans le braquage prévu par le commando reste à préciser. Devait-il extrader les braqueurs? Venir en renfort? Averti de la fusillade par la radio, Malek Khider a manifestement cherché à se forger un alibi en se montrant un peu partout. Les policiers pensent qu'il s'est rendu de nuit jusqu'au Renault Master pour mettre les armes à l'abri en cas de perquisition à son domicile. Khider habite en effet à proximité, dans une paisible résidence. Des expertises balistiques vont être réalisées sur les armes découvertes dans le sac de sport. Mais pour les enquêteurs, il semble presque acquis que ce ne sont pas celles qui ont servi à tuer à Villiers-sur-Marne.
Combien étaient les malfaiteurs?
A ce stade, les policiers peinent encore à définir les contours exacts du groupe qui s'apprêtait, selon toute vraisemblance, à prendre d'assaut un fourgon de transport de fonds. Il comprendrait entre 6 et 8 hommes, organisés de manière très cloisonnée. En tout cas, outre Khider, la PJ a identifié de manière formelle un second individu, grâce à des traces de sang retrouvées dans les deux voitures utilisées par le groupe pour prendre la fuite. L'homme a en effet été touché par le tir du collègue d'Aurélie Fouquet. Or le profil génétique de cet homme, déjà condamné pour braquage et au passé carcéral émaillé d'incidents, figure dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg). Ce suspect n'a pour l'heure pas été retrouvé. Un troisième homme, de grande taille, a été repéré, après la fusillade, non loin du lieu du drame, grâce au système de vidéo surveillance de la RATP. Mais il n'aurait pas été identifié avec précision.
Y a-t-il un rapport avec les braquages des années 2000?
Les attaques de fourgons de transports de fonds se sont multipliées au début de la décennie 2000. Mais de nombreuses équipes, comme celle dite de la "Dream Team", ont été démantelées en région parisienne ces dernières années. La plupart de ses membres présumés sont toujours écroués. Le nombre d'attaques régresse. Mais en décembre dernier, un fourgon blindé avait été attaqué par des hommes armés qui avaient ouvert le feu à Gentilly, toujours dans le Val-de-Marne. Les assaillants n'avaient pas pu rafler le butin.