Tribune du Commissaire Olivier DAMIEN : Policiers municipaux et sécurité globale : le compte n’y est vraiment pas !

Publié le 19 Mars 2021

Policiers municipaux et sécurité globale :

le compte n’y est vraiment pas !

Alors que des émeutes faisaient rage à Blois, chef lieu du Loir-et-Cher d’un peu plus de 45000 habitants habituellement plutôt paisible, nos sénateurs continuaient, ce mardi 16 mars, de s’étriper au palais du Luxembourg autour de la proposition de loi « Sécurité globale ». Au menu du jour, les modalités de l’expérimentation visant à élargir les compétences des policiers municipaux. Les membres de la Haute assemblée, qu’ils soient partisans ou opposés à cette réforme qui, décidément, a bien du mal à voir le jour, au lieu de se noyer dans des discussions picrocholines, n’auraient ils pas dû se poser la seule question qui vaille désormais : Lorsque que dans nos villes et nos villages à feu et à sang nous serons secourus par des policiers, nous poserons nous la question de savoir s’ils sont policiers nationaux ou bien policiers municipaux ? Et s’il s’agit de policiers municipaux, est-ce que nous leur reprocherons alors de s’être substitués à des fonctionnaires d’État dont c’est normalement le rôle ?

Ainsi, alors que chaque jour certaines de nos villes sombrent dans le chaos et les violences urbaines, nos parlementaires, qu’ils soient députés ou sénateurs, se lancent dans des débats sans fin sur des sujets aussi fondamentaux que, « les policiers municipaux pourront-ils à l’avenir verbaliser un rodéo urbain ? » ou encore, « les policiers municipaux pourront-ils constater par procès-verbal telle ou telle infraction pénale ? ». C’est en ces occasions que l’on peut mesurer combien certains des élus du peuple ont perdu le sens commun et sont, quoi qu’ils en disent, déconnectés des réalités du terrain.

Pour qui est au fait des problématiques sécuritaires que connaît notre pays aujourd’hui, et a bien conscience que le « mort de trop » peut, à tout instant, faire basculer la France dans un chaos généralisé, ces interrogations prennent soudainement un tour dérisoire. Et de renvoyer à leurs querelles de chapelles les représentants du peuple en leur faisant simplement remarquer que d’ici peu, au vu de la vitesse à laquelle l’insécurité progresse dans nos villes et nos campagnes, ce sont les pleins pouvoirs qu’ils pourraient être amenés à octroyer aux policiers, qu’ils soient nationaux ou municipaux.

Quoi qu’il en soit, le vote de cette énième loi sur la sécurité vient illustrer une fois de plus que le diable se cache bien dans les détails. Alors que plus que jamais les forces de l’ordre ont besoin de directives claires et de missions précises, le législateur, qui n’a sans doute rien de plus important à faire, est en train de décortiquer, de saucissonner et d’exploser « façon puzzle », les futures prérogatives des policiers municipaux jusqu’à les rendre complètement illisibles et inapplicables sur le terrain.

La situation actuelle envoie pourtant un message simple : les policiers municipaux, acteurs désormais incontournables de la sécurité intérieure, doivent être en mesure d’apporter au maintien de la sécurité et de la paix publique toute leur énergie et toutes leurs compétences. Force complémentaire de celles que sont la police et la gendarmerie nationales, les polices municipales devraient pouvoir intervenir en tous lieux, en toutes circonstances, mais également en toute sécurité et avec des moyens matériels et juridiques adaptés, là où l’ordre républicain est menacé.

C’est au nom de cette exigence, mais aussi parce qu’ils ont déjà payé un lourd tribu à la sécurité de nos concitoyens, que les policiers municipaux attendent du pouvoir en place des avancées statutaires certes, mais aussi opérationnelles. Ainsi, l’armement, dont il est question depuis des lustres, doit il enfin être généralisé. Leurs capacités d’investigations doivent être étendues et la qualification d’APJ 20, après formation, doit leur être attribuée. Les chefs de services, voire même certains cadres, également après une formation adaptée, doivent se voir octroyer, sur la base d’une liste d’infractions clairement visées , la qualité « d’officier judiciaire municipal ». Qualification identique à celle des OPJ - en dehors du pouvoir de placer en garde à vue qui doit être réservé à ces derniers -, ces nouvelles prérogatives permettraient, sous l’autorité des OPJ de plein exercice et des parquets, de lutter véritablement et efficacement contre la délinquance du quotidien.

La cacophonie et la confusion qui règnent actuellement dans le fonctionnement de nos services de sécurité intérieure, ne font que faciliter le glissement vers une criminalité endémique et violente accrue. Les seuls à bénéficier  de cette dérive délétère sont les criminels. Eux, se jouent des prérogatives policières et savent très bien le parti qu’ils peuvent tirer de services de police affaiblis par la lourdeur d’une organisation qui n’en finit plus de les pénaliser et de les entraver. Ils savent aussi qu’avec une justice qui n’a plus les moyens de suivre, ils sont assurés d’une impunité quasi absolue. Dans l’intérêt du pays, il est donc grand temps que nos élus et ceux qui nous gouvernent, se posent enfin, avant qu’il ne soit trop tard, les bonnes questions.

Olivier DAMIEN

Docteur en droit - Commissaire divisionnaire (h) de police

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Observations du SDPM

Le commissaire divisionnaire (H) Olivier DAMIEN, ancien syndicaliste et Président du syndicat des commissaires est un ami du SDPM, et nous livre sa tribune afin d'enrichir le débat.

Nous ne sommes pas totalement en phase avec son point de vue, néanmoins celui-ci est particulèrement riche et mérite d'être publié et discuté. Par ailleurs, nous saluons le positionnement de M. DAMIEN qui a toujours été favorable à l'essor des polices municipales, auxquelles il fait confiance, et à une coproduction intelligente de la sécurité publique.

Plus précisément, si nous ne sommes pas défavorables, en substance, à un accroissement des compétences des agents de police municipale - ce qui fait partie de notre cahier de revendications - il faut constater que nous avançons à petits pas, et que nous devons privilégier des priorités.

Ainsi, pour notre part, et en l'état des discussions, nous estimons qu'aux rang des priorités figurent l'armement généralisé et le volet social (acquis lors des discussions sur le projet de Loi retraite, qui doit être mis en application) l'accès aux fichiers de manière directe et simplifiée, qui nous paraît important. Il doit être aussi mis sur la table la question du maintien et du rétablissement de l'ordre : en théorie, le rassemblement de personnes, organisé ou non, échappe légalement aux prérogatives des agents de police municipale. Or, la par la force de la réalité du terrain, les agents de police municipale sont confrontés de plus en plus aux "violences urbaines" qui relèvent de ces dispositions légales (art. 431-3 du CP).

Nous nous rencontrerons donc, M. DAMIEN et le SDPM, autour d'un débat sur le thème de la coproduction de sécurité.

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