Le syndicat des commissaires (SCPN) est contre la PM !
Publié le 20 Septembre 2012
SYNDICATS
Zones prioritaires, rôle du maire, polices municipales : entretien exclusif avec le nouveau patron du syndicat des commissaires
Nouvellement élu à la tête de l’influent syndicat des commissaires de la police nationale, Emmanuel Roux s’exprime, dans un entretien au Club prévention-sécurité, sur les grands dossiers de la rentrée.
© SCPN
Elu en juin dernier à la tête du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN, majoritaire), Emmanuel Roux accorde un entretien au Club
prévention-sécurité.
Au menu : la création des zones de sécurité prioritaires, les relations entre police nationale et élus locaux ou encore la répartition des compétences entre police
nationale et police municipale.
Le ministre de l’intérieur a lancé officiellement les zones de sécurité prioritaires (ZSP), présentées comme une mesure phare de son action ministérielle. Cette réponse à la délinquance est-elle selon vous la bonne ?
La réforme visant à créer les zones de sécurité prioritaires n’est pas en soi une révolution. Les ZSP constituent d’une part une idée, un concept stratégique qui s’appuie tout à la fois sur un déploiement de moyens à l’échelle locale et d’autre part une réforme de l’emploi tactique et technique adapté au territoire. La question est donc double.
C’est certes d’abord celle des moyens : la police est un métier de service dont la principale ressource est humaine. Plus il y a de personnels et donc de ressources,
mieux ce service peut être rendu à la population.
Toutefois cela ne suffit pas, puisque les modes opératoires sont également très importants. La seconde question est donc celle des pratiques professionnelles et du
partenariat. C’est pourquoi, il faut revoir presque à partir d’une page blanche les modalités de coordination inter-services au sein de la police nationale ainsi que la coordination avec les
différents acteurs locaux.
Engager des moyens sans revoir les modalités d’intervention, c’est ajouter un peu d’eau sur une terre qui est trop sèche. Les ZSP ne sont donc pas le seul levier pour répondre aux enjeux actuels.
« Cesser de centraliser les décisions et renforcer la coopération avec les élus locaux »
La méthode de travail du nouveau ministre vous convient-elle ?
Avec ces ZSP, l’action policière va être resserrée sur certains territoires. Les sites retenus ont certes été définis à Paris, mais la réforme sera mise en œuvre concrètement grâce à des indicateurs déterminés au niveau local. C’est nouveau et donc positif. C’est un vrai changement au regard du mouvement observé au cours des dernières années, marqué par une centralisation croissante des décisions et des modes opératoires, qui devenait démobilisante pour les policiers de terrain.
Les commissaires de police sont davantage responsabilisés, les préfets s’appuyant sur eux pour déterminer les stratégies, les moyens, les ressources, les indicateurs de suivi et de résultat. Les directions actuelles qui sont prises nous semblent donc intéressantes.
Comment faut-il concevoir les relations entre la police et les élus locaux ?
Les élus locaux ont désormais dans leur champ de compétences un vaste rôle d’animation ou d’appui en matière éducative, sociale, sportive, culturelle, qui a un impact en matière de prévention générale de la délinquance. Leur rôle est également important en matière d’aménagement urbain ou d’éclairage public, c’est à dire en matière de prévention situationnelle.
Les chefs de service de la police nationale ne peuvent plus imaginer aujourd’hui diriger un service de police et concevoir une politique de sécurité sans une
discussion et un partenariat renforcé avec l’élu local. Mais sur le terrain, l’acteur de référence en matière de sécurité, reste la police d’État.
Les commissaires de police savent aujourd’hui s’inscrire dans une relation équilibrée et sans sujétion avec les élus locaux, dans un attelage qui va de l’avant et où
chacun trouve et exerce sa légitimité.
« La police municipale ne doit pas accomplir les mêmes missions que la police nationale »
Dans le contexte actuel, quel peut être le rôle des polices municipales ?
Le syndicat des commissaires de la police nationale est opposé à un transfert de compétences de l’État vers les collectivités et le secteur privé qui ne se ferait qu’au seul motif de la réduction des charges financières de l’Etat. L’État a des compétences qu’il doit assumer. Et il n’est pas souhaitable que la police municipale déborde sur les compétences de la police nationale, qu’elle cherche à accomplir des missions identiques.
Elle est un service de la municipalité qui doit dans le cadre de ses compétences de « police de tranquillité » faire notamment respecter les arrêtés municipaux. Elle a également une mission très importante de régulation sociale pour laquelle la population est en attente forte. Enfin, le chef de la police municipale peut légitimement remplir un rôle de conseil auprès du maire, car la prévention et la sécurité sont bien souvent au carrefour d’autres domaines d’action : social, éducatif, voirie, etc.
C’est par la mobilisation des services municipaux, dans le champ légal de compétence du maire, que la police municipale trouvera sa véritable place, pas dans une substitution ou une concurrence avec la police nationale. Pour utiliser une formule simple, dans l’appellation « police municipale », le mot important est « municipale ».
Certains élus pensent nécessaire d’augmenter les prérogatives des policiers municipaux, notamment dans le domaine judiciaire. Y êtes-vous favorable ?
Non, nous sommes très clairs sur ce sujet. L’enjeu aujourd’hui n’est pas de donner de nouveaux moyens juridiques ou techniques à la police municipale. Au contraire,
il faut arriver à déterminer comment la police nationale et la police municipale peuvent appuyer l’une et l’autre leurs actions respectives. En d’autres termes, il faut améliorer la coordination
entre ces deux acteurs.
C’est pourquoi nous sommes favorables à l’élaboration d’une cartographie des compétences, au sens des métiers et non des territoires, qui permette justement à
chacune des polices d’agir en appui de l’autre. Le diagnostic local de sécurité, qui précède la formalisation des conventions types de coordination, doit être le moment privilégié pour élaborer
cette cartographie.
Il est également nécessaire que la puissance publique définisse précisément une doctrine d’emploi des polices municipales ; les situations locales, certes s’adaptent au terrain, mais restent trop diverses. Le secteur privé de sécurité est engagé dans cette voie, avec le délégué interministériel à la sécurité privée et le Conseil National des Activités Privées de Sécurité.
Je crois également qu’une école de police municipale, qui ne doit surtout pas être une école de police nationale bis, ayant pour objectif de consolider et d’harmoniser les compétences des policiers municipaux partout sur le territoire, serait la bienvenue.
Par P. Weil
Publié le 17/09/2012
Mis à jour le 20/09/2012