Courrier Picard : Ils ont fait le choix des armes

Publié le 26 Janvier 2015

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Marion Bertemes

Ils n’en font que très rarement usage, mais pour les policiers municipaux, porter une arme est nécessaire. Entre mesures de sécurité et perception du revolver, ils racontent.

Bâton télescopique (ou tonfa), bombe lacrymogène et revolver, ce sont les armes individuelles des policiers de Montdidier. La brigade ne possède ni lanceur de balles de défense (flashball), ni pistolet à impulsion électrique (Taser).

Bâton télescopique (ou tonfa), bombe lacrymogène et revolver, ce sont les armes individuelles des policiers de Montdidier. La brigade ne possède ni lanceur de balles de défense (flashball), ni pistolet à impulsion électrique (Taser).

Nous ne sommes pas des cow-boys. » Les policiers municipaux le martèlent. Non, ils ne sont pas prêts à défourailler et tirer sur tout ce qui bouge. Oui, être armé est nécessaire selon eux. Après les tueries qui ont ensanglanté la France, notamment le meurtre de la policière Clarissa Jean-Philippe, et les réclamations de certaines brigades, une question lancinante est revenue sur la place publique : faut-il armer les policiers municipaux ? Nos lecteurs y semblent favorables. Pour Claude, c’est «  une évidence  », pour Rémy «  primordial  ». Certains sont plus ambivalents, comme Céline qui souligne le risque d’abus. Pour Jean (le prénom a été changé), policier depuis plusieurs dizaines d’années : «  C’est un faux débat.C’est de la politique. Aujourd’hui, le fait est : le maire d’une commune peut décider d’armer ses policiers. C’est tout. »

Effectivement, c’est à l’édile que revient la responsabilité (lire ci-contre). Dans la Somme, ils ne sont que trois municipalités à avoir fait ce choix : Rivery, près d’Amiens, Montdidier et Roye.

À Montdidier, les quatre agents sont équipés d’un revolver, d’un bâton de défense et d’un aérosol lacrymogène. La décision n’est pas récente. L’ancienne maire, Catherine Le Tyrant Quignon, l’a confortée et assortie de tests psychologiques il y a une douzaine d’années. « Les agents de police sont des cibles potentielles, des proies faciles. Je voulais leur donner la possibilité de ne pas être mis en danger, explique l’actuelle conseillère municipale. Je n’ai pas du tout regretté ce choix. »

Les revolvers au ceinturon des policiers de ces petites villes, n’est-ce tout de même pas excessif ? Les policiers soupirent un peu, évoquent l’hypothétique «  et si…  » et surtout les dangers bien réels. Roye et Montdidier sont proches de grands axes autoroutiers, amenant une délinquance de passage. Les possesseurs d’armes à feu, les chasseurs notamment, y sont nombreux. Secteurs ruraux oui, mais ou se succèdent tout de même braquage à main armé, riverain qui se fait tirer dessus, course-poursuite, agressions, vols avec plus ou moins de violence. «  Tous les matins, je me demande si ma femme va me revoir le soir  », avoue Jean. Bertrand Korona, responsable de la police municipale, considère que les moyens sont proportionnels aux risques encourus par les agents dans l’exercice de leur fonction.

L’arme à feu est à la fois dissuasive et défensive. «  Comment protéger les citoyens si nous n’avons pas les moyens de nous protéger ?  », s’interroge Bertrand Korona. Qui précise que l’arme ne fait pas le policier et qu’elle ne doit servir «  que dans un état de légitime défense et de façon proportionnée à la menace  ».

Sandrine, habitante de Montdidier, affirme que le risque est trop grand. «  Ce sont des hommes, ils peuvent craquer, mal réagir… C’est trop dangereux. » Le chef de la police de Montdidier pourrait soupirer devant l’affirmation. «  L’image de l’agent à qui une arme est donnée avant d’être lâché dans la nature… non. C’est non. »

Car les conditions de possession d’une arme, même si «  les agents ne sont armés que pour des missions précises, les patrouilles de nuit notamment  », explique le directeur des services de Roye, Gilles Savary, sont particulièrement strictes. Après la formation initiale, technique comme psychologique, vient l’entraînement. Les agents tirent au moins deux fois par an. Ils sont contrôlés quasiment en permanence. Si l’un d’eux paraît instable, son arme peut lui être retirée. Les revolvers sont confiés au début de la mission, repris à la fin. Stockés à l’abri. Séparés des munitions. «  Tout est encadré, porter une arme n’est pas anodin. »

À Roye, la décision d’équiper les agents a été prise dans les années 2000 par Jacques Fleury, après l’agression d’un policier municipal. Les agents en sont satisfaits, soulignent comme Bertrand Korona qu’il s’agit d’une «  sécurité  », d’un dernier recours. L’ultime réponse quand la prévention, la proximité et les mots – «  notre meilleure arme  » pour Jean – ont échoué. D’ailleurs, précise Gilles Savary, «  les agents n’ont jamais fait usage de leur arme  ». «  Nous sommes là pour faire respecter les lois républicaines, conclut Bertrand Korona. C’est notre rôle de policiers municipaux. Mais il ne faut pas oublier que ça n’est pas avec une arme qu’on fait la police. »

Les armes étaient là, elles n’y sont plus

Les policiers municipaux de Péronne n’ont pas d’armes à feu. Ils en avaient pourtant, il y a une vingtaine d’années. Stéphane Borck, policier et membre du Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM), le regrette et émet le souhait que les agents aient de nouveau accès à un revolver. «  Nous demandons l’armement depuis longtemps, pas seulement à la suite des attentats. Nous avons fait récemment une requête à la mairie et attendons une réponse. » Comme Roye et Montdidier, la ville est bordée par des axes autoroutiers, abrite des détenteurs d’armes à feu. Les policiers n’y sont pas plus protégés. Ils sont aussi «  confrontés à de nombreux risques, tout y est possible  », affirme l’agent.

À Moreuil, le seul policier municipal est parti en retraite récemment. Il n’était pas armé, son futur successeur ne le sera sûrement pas non plus.

Qui arme les policiers?

Le Code de la sécurité intérieure précise que « lorsque la nature de leurs interventions et les circonstances le justifient, les agents de police municipale peuvent être autorisés (…) à porter une arme ». La demande motivée doit être effectuée par le maire auprès du représentant de l’État dans le département, le préfet. Après examen du dossier, de l’état de santé mentale et physique des policiers municipaux concernés, l’État donne – ou non – son accord au port d’armes.

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