Le couvre-feu pour les jeunes ados: Effet d’annonce ou mesure efficace?
Publié le 9 Mai 2014
SECURITE - Plusieurs municipalités ont récemment pris un arrêté municipal interdisant la circulation des mineurs de moins de 13 ou 14 ans au delà de 23h…
Mesure de sécurité ou effet d’annonce? Le maire de Cézac (Gironde) vient de prendre un arrêté municipal interdisant la circulation des mineurs de moins de 14 ans non accompagnés d’un adulte au delà de 23h. Une mesure prise dix jours plus tôt à Béziers (Hérault). Au-delà des polémiques qu’il suscite, 20 Minutesanalyse les tenants et les aboutissants de ce dispositif.
Dans quel contexte sont pris ces arrêtés?
Cette mesure a fait partie du programme électoral de plusieurs candidats pendant les élections municipales, qui la mettent en œuvre aujourd’hui. «Mais ces «couvre-feux» demeurent rares et sont surtout pris avant l’été pour une durée de trois mois», précise Philippe Capon, secrétaire général de l’Unsa Police. Ils sont généralement décidés lorsqu’un maire est saisi d’un problème de sécurité ou de délinquance concernant des jeunes adolescents. «J’ai pris cette décision car quelques jeunes mineurs de ma commune s’alcoolisaient sur la voie publique. Cet arrêté est avant tout un garde fou pour rappeler aux parents leurs responsabilités», explique ainsi à 20 Minutes Dominique Pionat, maire de Cézac. Reste que pour Philippe Capon, ces couvre-feux tiennent aussi de l’affichage électoral: «Ils ne concernent pas forcément les villes qui connaissent le plus de problèmes de sécurité. C’est aussi le moyen pour les maires de jouer les gros bras», estime-t-il. D’ailleurs, ce type d’arrêtés est aussi bien pris dans les villes de taille moyenne que dans des petites communes.
Comme s’appliquent-ils?
Les adolescents de moins de 13 ou 14 ans selon les arrêtés, ont l’interdiction de circuler sur la voie publique entre 23h et 6h du matin s'ils ne sont pas accompagnés d'une personne majeure. «Les policiers n’effectuent pas de tournées spécifiques à la recherche de ces jeunes, mais les contrôles se font à l’occasion de patrouilles générales», explique Cédric Michel, président du syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM). L’âge des jeunes mineurs est vérifié et ceux qui tombent sous le coup l’arrêté, sont reconduits chez lui ou leurs parents viennent les chercher au commissariat. «Ces derniers écopent selon les municipalités, d’une amende ou d’un simple rappel de la loi», indique Cédric Michel.
Les policiers ont-ils les moyens de mener à bien leur mission sur le terrain?
«Pas évident pour un policier de déterminer l’âge d’un adolescent», indique Françoise Martres, présidente du syndicat de la magistrature. «Surtout qu’on met les policiers face à une contradiction: d’un côté on les taxe de faire du contrôle au faciès, jugé comme discriminatoire et dans ce cas là, on les y incite», ajoute Philippe Capon. «Ces vérifications prennent aussi beaucoup de temps, d’autant que les parents ne sont pas toujours joignables», renchérit-il.
Ces «couvre-feux» sont-ils efficaces?
«Ce n’est pas une mesure miracle, mais elle va dans le bon sens. Elle permet notamment d’éviter que ces jeunes adolescents ne soient enrôlés par des plus vieux pour commettre des bêtises. Je n’estime pas non plus qu’elle soit liberticide», juge Cédric Michel. Un avis partagé par le maire Dominique Pionat: «La peur du gendarme est efficace. Cela permet de montrer que nous ne sommes pas laxistes et cela redonne des repères aux jeunes et à leurs parents». A l’inverse, la magistrate Françoise Martres juge que l’ «On déplace le problème. Les jeunes qui ne peuvent plus boire ou fumer du cannabis dans la rue par exemple, le feront chez leurs amis». Même son de cloche chez Philippe Capon: «La répression est un échec à la prévention. Je pense qu’il vaudrait mieux miser davantage sur le travail des associations qui peuvent aider les parents à tenir leur rôle auprès de leurs enfants».