Police Municipale non armée à Paris : le SDPM dans Le Figaro
Publié le 5 Février 2019

En France, plus de la moitié des policiers municipaux sont armés
Par Christophe Cornevin
Un policier municipal équipé d'un gilet pare-balles et armé d'un pistolet, en août dernier à Perpignan. Michel Clementz/PHOTOPQR/L'INDEPENDANT/MAXPPP

LA DÉCISION d’Anne Hidalgo de créer dans la capitale une police municipale sans pistolet ni revolver va à rebours d’une vague de fond amorcée il y a une décennie. « Entre 2009 et 2015, le nombre d’agents ayant suivi une formation à l’armement a augmenté de 183 %, rappelle ainsi Cédric Michel, président du Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM), qui revendique 300 sections locales à travers le pays. Hormis Lille et Bordeaux, quasiment toutes les grandes villes de France ont décidé d’armer leurs policiers. »
Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) estime que le nombre de policiers municipaux portant un calibre à la ceinture a dépassé, dès le premier semestre 2017, le seuil des 50 %. Soit un doublement en dix ans ! La part se situe aujourd’hui aux alentours des 55 %, pour atteindre même, selon l’association des villes de France, les 58 % dans les agglomérations « moyennes » de 15 000 à 100 000 habitants. Pour un budget annuel allant de 880 000 à 3 millions d’euros selon les communes, les agents municipaux sont porteurs d’au moins une arme non létale dans 90 % des cas et à 98 % d’un gilet pare-balles.
Cible de moult philippiques, la décision de la maire de Paris est d’autant moins comprise qu’elle va aussi à l’encontre des conclusions du dernier rapport consacré au continuum de sécurité et rédigé par les députés (LaREM) Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue. Dans leurs conclusions remises en septembre dernier, les parlementaires préconisaient de rendre l’armement obligatoire pour les quelque 30 000 policiers municipaux [note du SDPM : 22000], sauf décision contraire du maire. Cette mesure, spectaculaire sur le papier, inverse la règle actuelle selon laquelle les agents de la ville ne sont pas armés sauf si le premier magistrat le demande.
Des calibres 9 millimètres
« Ce rapport traduit une certaine unanimité politique, hormis l’extrême gauche, sur le sujet du port de l’arme dans les polices municipales, insiste Cédric Michel. Composant une force de voie publique par excellence puisqu’ils ne sont pas voués à rester au bureau pour faire des actes judiciaires, leurs agents sont des primo-intervenants qui peuvent devenir des cibles s’ils ne peuvent riposter. Cela sera particulièrement vrai à Paris, théâtre des pires attentats et où règne l’insécurité. » C’est d’ailleurs au regard du péril encouru que les « municipaux » ont obtenu, de haute lutte en septembre 2016, la possibilité de s’équiper en engins de calibre 9 millimètres au même titre que leurs homologues de la police nationale, là où ils ne disposaient jusqu’alors que de pistolets 7,65 mm ou de revolvers 38 spécial.
En octobre dernier, le baromètre Fiducial/Odoxa révélait que 72 % des Français se déclaraient favorables à l’armement de tous les policiers municipaux. À un an des échéances électorales, Anne Hidalgo témoigne donc d’une certaine audace politique en restant sourde à une aspiration semble-t-il populaire. L’édile prend aussi le risque d’endosser une réelle responsabilité si une tragédie venait un jour, dans la capitale, endeuiller une profession par nature de plus en plus exposée.
Le Figaro du 05.02.2019
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En France, plus de la moitié des policiers municipaux sont armés
Le choix d'Anne Hidalgo, la maire de Paris, de créer une police municipale sans pistolet ni revolver est d'autant moins compris qu'il va à l'encontre des conclusions du dernier rapport consacré ...
Haro sur la police municipale d’Hidalgo
La maire a été chahutée lundi au Conseil de Paris, où elle présentait cette mesure.
La police municipale parisienne souhaitée par Anne Hidalgo (ici le 3 décembre 2018) aura vocation à faire respecter les «règles du quotidien». STEPHANE DE SAKUTIN/AFP
SÉCURITÉ Anne Hidalgo avait toutes les raisons de se sentir isolée, lundi après-midi, lors du débat sur la création de cette police municipale qu’elle appelle désormais de ses vœux. Isolée, parce que la plupart des élus non socialistes de sa majorité la refusent, certains vigoureusement, et parce que la droite, le centre mais aussi LaREM ironisent à bon prix sur le changement d’avis de la maire de Paris. Afin de ne pas se fragiliser par une division annoncée de sa majorité, l’élue socialiste a renoncé à faire voter le texte. « Une simple discussion peut suffire, justifient ses équipes, puisque la loi sur le statut de Paris de février 2017 a doté Paris d’un cadre légal permettant le fonctionnement immédiat d’une première forme de police municipale parisienne… »
À côté d’Anne Hidalgo, Rémi Féraud, sénateur et président du groupe socialiste, a tenté, malgré les rires et les huées, de convaincre l’assemblée des élus de Paris qu’il ne s’agissait pas d’un « revirement » ou d’un « changement de cap » depuis 2001 que la gauche est au pouvoir dans la capitale, mais du « prolongement d’une action »… La maire a d’ailleurs en partie donné raison à ses détracteurs en soulignant à quel point les événements terroristes de 2015 auront été un marqueur pour elle.
Au fond, peu semble lui importer. Anne Hidalgo, désormais en campagne municipale, s’appuie sur un audit sur la sécurité des Parisiens, mené durant plusieurs mois par un cabinet indépendant - Eurogroup Consulting -, pour justifier son choix. La maire de Paris est pragmatique et répond à un besoin fortement exprimé de sécurité. Cette police municipale, qui comptera à terme 3 400 hommes, a vocation à faire respecter les « règles du quotidien », indique son équipe. Soit la propreté des rues, la tranquillité publique (nuisances diverses) et l’encadrement des déplacements (surveillance des piétons, lutte contre la pollution). La lutte contre les délits (usage de stupéfiants, cambriolages…) restera, elle, de la compétence de la police nationale. Les moyens de cette dernière sont pointés par beaucoup à Paris, des Républicains aux communistes. Ils s’appuient dans leurs propos sur le rapport de février 2017 du sénateur LR Philippe Dominati. « Dans un contexte marqué par une forte hausse de la délinquance et une diminution importante des effectifs dédiés à la sécurité de proximité (- 13 % entre 2008 et 2015), avait-il écrit, la Préfecture de police est l’objet d’une contestation croissante sur le plan politique. »
La gauche très divisée
Anne Hidalgo, de son côté, qui doit absolument préserver ses liens avec la préfecture, se garde de la critiquer. Elle s’est contentée de soutenir un vœu consensuel à gauche sur la nécessité, a minima, du maintien des effectifs de la police nationale. Un vœu destiné à sauver la face d’une gauche publiquement très divisée sur le dossier. « Ce n’est pas d’un pistolet dont ont besoin les agents municipaux, mais bien d’un balai », a pointé en séance le maire écologiste du IIe, Jacques Boutault. Car si Anne Hidalgo a tracé une ligne rouge, indiquant que jamais les policiers municipaux ne porteraient d’armes létales, beaucoup en doutent dans sa majorité. « Dès que ces futurs agents devront faire face à un acte criminel, leur première demande sera d’être armés et c’est normal », assurait en marge du Conseil le responsable du groupe PCF Nicolas Bonnet Oulaldj. « Une police municipale, c’est toujours un constat d’échec ! », a-t-il martelé en séance, jurant que « jamais les communistes ne seront dans le renoncement ».
C’est l’ampleur de l’arc politique qu’Anne Hidalgo parviendra à se construire pour les municipales qui se joue dans ce dossier où elle coupe sans vergogne l’herbe sous les pieds de LaREM et des centristes. Elle mise sur la séduction du centre et la faiblesse de l’aile la plus à gauche, ne pouvant que repartir avec elle. « Nous sommes sur le simple alignement de Paris sur le droit commun, sur ce qui existe partout en France », assure son adjoint écologiste aux transports Christophe Najdovski, avant d’ajouter : « C’est aussi pour Paris l’occasion de sortir d’une forme de tutelle de l’État… »
Le Figaro du 05.02.2019
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À Paris, haro sur la police municipale d'Hidalgo
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