Le SDPM dans le Figaro : Les maires exigent la pérennisation des caméras-piétons pour la police municipale
Publié le 4 Juin 2018
Après deux ans d'expérimentation, les voix sont unanimes sur la réussite des caméras-piétons. Alors que l'arrêt encadrant son utilisation prend fin aujourd'hui, des élus tentent un passage en force afin de prolonger le dispositif. Au risque, de laisser les enregistrements dans un «flou juridique».
Un bilan «très positif». Ce lundi, l'expérimentation lancée en 2016 des caméras-piétons pour la police municipale prend fin. Pourtant, maires et syndicats de police sont unanimes sur son efficacité contre la délinquance et les incivilités. À partir de mardi, l'enregistrement des interventions n'est donc plus encadré par la loi, le temps pour les législateurs de tirer toutes les conclusions de l'expérimentation. Une incohérence selon ses partisans, qui entendent prolonger son utilisation.
Dans un communiqué publié dimanche soir, la Place Beauvau prévient que la fin de l'expérimentation laisse place à un «temps d'évaluation» par le législateur. La date du débat au Sénat a été fixée au 13 juin et le ministère de l'Intérieur espère une adoption du texte dans les meilleurs délais.
Plus de 300 communes ont testé, durant des périodes variées, la mise en place de caméras-piétons aux patrouilles sur la voie publique. Toutes espèrent que le dispositif va se pérenniser: «C'est une réussite», se réjouit au téléphone Yves Nicolin, maire LR de Roanne, en Auvergne-Rhône-Alpes, l'une des premières villes test. D'après lui, les interventions sont plus «confortables» pour les agents municipaux qui se sentent davantage protégés.
Baisse des outrages à agent
Même son de cloche à Bordeaux, où le directeur de la police municipale, Nicolas Andreotti, a équipé 80 agents depuis le début de l'année et observe déjà des résultats: «Ça fait baisser la tension. Les agressions verbales sont en net recul.» Le directeur précise au Figaro que l'outil est particulièrement utile lorsque l'individu est ivre ou sous l'emprise de stupéfiants. «Une fois sobre, il ne peut plus nier son comportement.»
À Marseille, l'adjointe à la sécurité de la mairie, Caroline Pozmentier, assure que ces caméras ont un réel impact sur la relation avec les habitants qui savent que s'ils sont arrêtés, «cette interpellation ne dépend pas de l'humeur ou du bon vouloir du fonctionnaire.» Les cent chefs de patrouilles, équipés depuis février 2017, ont observé un effet dissuasif et une baisse des outrages à agent.
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Un outil précieux «face à des individus qui ne sont pas toujours des enfants de chœur».
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Une fois déclenchée par le policier, la vidéo est horodatée, géolocalisée, puis envoyée dans un serveur auquel l'agent n'a pas accès: «Il ne peut ni modifier les images, ni les supprimer», abonde le directeur de la police municipale bordelaise. Gardées pendant un mois, les images sont réutilisées lors de réunions pédagogiques: «C'est notre support pour perfectionner notre attitude face aux citoyens.»
Des individus «qui ne sont pas toujours des enfants de chœur», estime Cédric Michel, président du Syndicat de défense des policiers municipaux. La police nationale, les agents de la RATP et la SNCF, sont eux, équipés de caméras-piétons depuis 2015, il regrette donc que les agents municipaux ne soient toujours pas sur un pied d'égalité.
Une «négligence de l'État»
«C'est très dommage de l'arrêter à cause d'une négligence de l'État». Le décret de 2016 prévoyait déjà que «dans un délai de trois mois avant la fin de l'expérimentation, le maire adresse au ministre de l'Intérieur un rapport sur l'emploi des caméras individuelles des agents de police municipale.» * Tous espéraient donc que la pérennisation puisse être décidée avant la fin du décret.
Face à ce cafouillage de calendrier, les élus font part de leur colère. «C'est incompréhensible», s'énerve le maire républicain de Roanne. Il refuse d'enlever les caméras-piétons de ses agents. Tout comme l'édile de Saint-Étienne, Gaël Perdriau: «J'ai donné ordre au directeur de la police municipale de laisser les caméras où elles sont», a-t-il déclaré à l'AFP.
Flou juridique ou illégalité?
Un malentendu que partage Nicolas Andreotti alors que 35.000 euros ont été investis dans le dispositif juste pour la ville de Bordeaux. Il assure qu'Alain Juppé est actuellement en discussion avec le préfet pour prolonger le décret afin «d'éviter une situation d'entre-deux.» D'après lui, les enregistrements ne sont plus encadrés par la loi mais pas interdits pour autant: «C'est un flou juridique.»
Ce que réfute l'Intérieur, interrogé par téléphone. Tout enregistrement fait à partir de demain et jusqu'à ce que la pérennisation soit votée par les législateurs est illégal. Le policier qui activerait sa caméra pendant cette période s'engage à des poursuites judiciaires. Une menace qui a sans doute pesé dans la décision de l'adjointe marseillaise Caroline Pozmentier. Elle déclare au Figaro préférer «rester dans le socle judiciaire» des décrets et suspendre l'utilisation des caméras-piétons, tout en demandant expressément à l'Intérieur de poursuivre le dispositif.
* Le Président du SDPM a rappelé à la presse que la caméra-piéton, ne remplaçait en aucune manière l'armement individuel. Cet équipement doit venir en plus d'un paquetage individuel, comprenant l'armement à feu, seul moyen de défense efficace qui peut sauver la vie de l'agent de police municipale.