[MAJ] Le maire est-il un vrai OPJ ? Point de Vue d'un Magistrat

Publié le 14 Octobre 2018

[MAJ] Le maire est-il un vrai OPJ ? Point de Vue d'un Magistrat

Nous avons dernièrement entendu un magistrat de l'Essonne, dire que les maires n'étaient pas vraiment Officiers de Police Judiciaire (OPJ). Ce qui est juridiquement faux.

Le maire et ses adjoints sont Officiers de Police Judiciaire au titre non seulement du Code de Procédure Pénale (article 16) mais aussi au titre de l'article L.2122-31 du code général des collectivités territoriales.

S'il est rare qu'un maire mette directement en application ses pouvoirs de police judiciaire, et passe pour ce faire par l'intermédiaire de ses policiers municipaux ou des autorités de l'Etat, il reste au regard de la Loi un véritable OPJ, à part entière.

Selon une réponse à l'Assemblée Nationale publiée au Journal Officiel.

Selon une réponse au Sénat publiée au Journal Officiel.

Selon l'agence technique départementale ADT13.

Le maire et ses adjoints peuvent verbaliser par amende forfaitaire :

Notons que en cas d'insécurité sur sa commune, quand bien même il y aurait une police nationale ou gendarmerie présente sur celle-ci, le maire peut être tenu responsable pour non application de ses pouvoirs de police administrative ou judiciaire : arrêt ville de Paris du 18 avril 2017.

L'association des maires du Haut-Rhin, nous rappelle certains pouvoirs de police du maire (outre relever toutes les infractions à la Loi pénale) :

- Ils ont le droit de requérir directement le concours de la force publique pour l'exécution de leur mission. (Article 17 du code de procédure pénale) ;
- Ils peuvent être à l’origine de sommations (articles 431-3, R 431-1 et R 431-2 du code pénal) ;
- Ils peuvent faire appel aux APJA ;

Mise à Jour du 16 octobre 2018 :

M. Patrick JACK, nous fait passer le texte suivant et nous l'en remercions infiniment :

 

LE MAIRE, AUTORITE DE POLICE JUDICIAIRE

Patrick JACQ, président honoraire du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, ancien professeur associé de l’Université de Nice Sophia Antipolis (chargé notamment du cours sur les polices municipales en master 2 Sécurité).

Auteur de l’ouvrage « Le maire et son pouvoir de police » édité aux éditions La Vie Communale , 5ème édition avril 2018. Cet article est issu de l’ouvrage pages 18 à 21.

 

I - LE MAIRE A LA QUALITE D’OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE DANS LA COMMUNE

L’article 16 du code de procédure pénale, dont les dispositions sont reprises par l’article L 2122-31 du code général des collectivités territoriales, attribue la qualité d’officier de police judiciaire aux maires et à leurs adjoints dans le ressort du territoire de leur commune. Ils peuvent, en particulier sur les instructions du procureur de la République (article 41 du code de procédure pénale) ou du juge d’instruction (article 81, alinéa 6 du même code), être amenés à diligenter des enquêtes sur la personnalité des personnes poursuivies ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale. L’exercice effectif des prérogatives qui sont attachées au statut d’officier de police judiciaire des maires et de leurs adjoints n’est pas subordonné à une habilitation individuelle, mais doit se faire dans les conditions générales prévues par le code de procédure pénale, et notamment sous la direction du procureur de la République, ainsi que le prévoit l’article 12 du code de procédure pénale. La qualité d’officier de police judiciaire que confère l’article 16 du code de procédure pénale aux maires et à leurs adjoints n’est en aucun cas subordonnée au port de quelque signe distinctif. 

II - LES INTERVENTIONS DU MAIRE DANS LE DOMAINE DE LA POLICE JUDICIAIRE

Il résulte des articles 14, 17 et 19 du code de procédure pénale que tout officier de police judiciaire est habilité à constater les infractions et doit informer sans délai le procureur de la République de celles dont il a connaissance ; la qualité d’officier de police judiciaire du rédacteur du procès-verbal dressé doit alors être précisée. Les procès-verbaux dressés sont dotés d’une force probante variable selon que les faits constatés constituent une contravention ou un délit. Dans le premier cas, il ressort de l’article 537 du code de procédure pénale que le procès-verbal ainsi rédigé fait foi jusqu’à preuve du contraire, laquelle peut être rapportée par écrit ou par témoins ; dans le second cas, l’article 430 du code de procédure pénale prévoit que le procès-verbal ne vaut qu’à titre de renseignement.
Enfin, selon l’article 19 du code de procédure pénale, lorsqu’un maire a connaissance d’une infraction, il est tenu d’en informer sans délai le procureur de la République, auquel il appartient d’ordonner, comme dans toute procédure judiciaire, les mesures d’instruction nécessaires à la manifestation de la vérité. Ni les maires d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille, ni leurs adjoints n’ont la qualité d’officier de police judiciaire.

Il peut demander à toute personne, que des indices permettent de suspecter de la commission d’une infraction, de justifier de son identité (art. 78-2 du code de procédure pénale). 

Il peut être sollicité par le juge d’instruction ou par le procureur de la République pour diligenter une enquête sur les personnes mises en examen ou sur leur situation matérielle, familiale ou sociale. Il exerce alors par délégation, les prérogatives du juge d’instruction.

Quand il agit en tant qu’officier de police judiciaire, le maire agit au nom de l’Etat. Il engage alors la responsabilité de l’administration. Toutefois, cela n’exonère pas le maire de l’engagement de sa responsabilité pénale pour les fautes qu’il commettrait, par exemple en cas d’arrestation illégale ou de violation de domicile.

Les décisions prises par le maire en qualité d’officier de police judiciaire (OPJ) ne sont pas susceptibles de recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif (CE, 11 mai 1951, Baud). La qualité d’officier de police judiciaire ne lui confère pas le droit à la détention ni au port d’arme (CAA Paris, 24 septembre 1988, commune de Wissous et CE, 21 novembre 2001, commune de Wissous, n° 202102).

Dans le respect des dispositions de l’article 11 du code de procédure pénale, repris à l’article L 132-3 du code de la sécurité intérieure, le maire est informé sans délai, par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie nationale, des infractions causant un trouble grave à l’ordre public commises sur le territoire de la commune.
Le maire est informé, à sa demande, par le procureur de la République, des classements sans suite, des mesures alternatives aux poursuites ou des poursuites lorsque ces décisions concernent des infractions mentionnées au premier alinéa. Le maire est également informé, à sa demande, par le procureur de la République, des jugements devenus définitifs ou des appels interjetés lorsque ces décisions concernent des infractions mentionnées au premier alinéa ou signalées par lui en application du deuxième alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale. Les informations mentionnées aux trois alinéas précédents sont transmises dans le respect de l'article 11 du même code.

 

III LA DESIGNATION DES JURES D’ASSISES

Le maire est chargé des opérations de recrutement par tirage au sort des jurés des cours d’assises dans la commune (article 254 et suivants du code de procédure pénale).

Dans chaque commune, le maire, en vue de dresser la liste préparatoire de la liste annuelle, tire au sort publiquement à partir de la liste électorale un nombre de noms triple de celui fixé par l'arrêté préfectoral pour la circonscription (article 261 du code de procédure pénale). Pour la constitution de cette liste préparatoire, ne sont pas retenues les personnes qui n'auront pas atteint, l'âge de vingt-trois ans au cours de l'année civile qui suit.
Lorsque l'arrêté préfectoral de répartition a prévu un regroupement de communes, le tirage au sort est effectué par le maire de la commune désignée dans l'arrêté du préfet. Il porte sur l'ensemble des listes électorales des communes concernées (article 261 du code de procédure pénale). 

A Paris, le tirage au sort est effectué, dans chaque arrondissement, par l'officier d'état civil désigné par le maire.

La liste préparatoire doit être dressée en deux originaux dont l'un est déposé à la mairie, et pour Paris à la mairie annexe, et l'autre transmis avant le 15 juillet au secrétariat-greffe de juridiction siège de la cour d'assises. 

Le maire doit avertir les personnes qui ont été tirées au sort. Il leur demande de lui préciser leur profession. Il les informe qu'elles ont la possibilité de demander par lettre simple avant le 1er septembre au président de la commission prévue à l’article 262 le bénéfice des dispositions de l'article 258. 

Le maire est tenu d'informer le greffier en chef de la cour d'appel ou du tribunal de grande instance siège de la cour d'assises, des inaptitudes légales résultant des articles 255, 256 et 257, qui, à sa connaissance, frapperaient les personnes portées sur la liste préparatoire. Il peut, en outre, présenter des observations sur le cas des personnes qui, pour des motifs graves, ne paraissent pas en mesure d'exercer les fonctions de juré (article 261- 1). 

 

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