Laïcité : Claude Guéant à la recherche d'un consensus

Publié le 15 Avril 2011

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LEMONDE | 15.04.11 | 12h50

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Après plusieurs semaines de polémiques et de divergences affichées au sein du gouvernement et de la majorité, le ministre de l'intérieur, chargé des cultes, Claude Guéant, devait livrer, vendredi 15 avril, les conclusions plutôt consensuelles adoptées à ce stade par l'exécutif pour "renforcer la cohésion sociale" et ouvrir la perspective d'"une France rassemblée".

Devant les représentants des cultes réunis place Beauvau, M. Guéant devait déployer la ligne "modérée", tenue ces dernières semaines par François Fillon,François Baroin ou Alain Juppé, remiser les propos va-t-en-guerre entendus depuis le lancement du débat à la mi-février et prendre ses distances avec l'approche législative et contraignante défendue par le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, à l'issue du débat du 5 avril.

Après un long hommage rendu à la laïcité à la française, gage de "cohésion nationale", et aux "grands équilibres" garantis par la loi de 1905, notamment pour le financement des lieux de culte, M. Guéant reconnaît un besoin de "sérénité" et d'"attention".

Le ministre, qui, à plusieurs reprises, a lui-même semé le trouble parmi les tenants d'une laïcité "positive" en évoquant les "problèmes posés par l'accroissement du nombre de musulmans" ou en exigeant la neutralité religieuse pour "les usagers des services publics", admet avoir été "sensible" aux arguments de ses interlocuteurs religieux.

 VOLONTÉ D'APAISEMENT

Signe d'une certaine volonté d'apaisement, le ministre renvoie les dossiers les plus épineux à "un groupe de travail interministériel". Chargé de définir "les nouvelles inflexions de la laïcité", ce groupe devra remettre des "conclusions juridiques appropriées" avant l'été.

Il se penchera notamment sur le cas des collaborateurs occasionnels des services publics et des salariés d'organismes de droit privé chargés d'une mission de service public, dont le statut au regard de la neutralité religieuse nécessite une"clarification".

Nombre de ses orientations laissent une grande latitude au niveau local, où "les problèmes pratiques liés au vivre-ensemble peuvent être plus rapidement traités", y compris le traitement des très polémiques "prières de rue".

S'il n'exclut pas "le recours à une initiative législative quand celle-ci s'avère incontournable", le ministre privilégie "les instructions ministérielles", en partie déjà existantes. De nouvelles instances seront en revanche créées pour diffuser une meilleure connaissance des principes de laïcité dans les services publics et les administrations. Le volet "formation" constitue aussi l'un des points centraux des propositions.

LA LAÏCITÉ "PATRIMOINE NATIONAL FRANÇAIS"

Sur le fond, M.Guéant défend devant ses interlocuteurs qui y étaient plutôt réticents, l'opportunité d'avoir tenu un débat sur ces questions. "La montée en puissance de l'islam suscite un certain nombre d'interrogations qui appellent autant de réponses", souligne-t-il en préambule. Et il serait, selon lui, "hypocrite et malhonnête" de nier que les débats sur la laïcité de ces dernières années "n'ont rien à voir" avec cette réalité.

Néanmoins, il n'est pas question pour le gouvernement de "proposer une modification de la loi de 1905, parce que nous sommes simplement satisfaits de ses grands équilibres". Et, si "la laïcité doit évoluer au même rythme que la société", "le gouvernement préfère le terrain du droit" aux "rivages de la philosophie qui permettent à chacun de voir la laïcité à sa manière".

M. Guéant rappelle aussi que "la laïcité n'est pas l'ignorance du fait religieux, encore moins sa négation" ou "une attitude de défiance ou d'hostilité envers les cultes". "Il ne s'agit pas d'exclure du débat public ceux qui cherchent une réponse dans la transcendance divine." Le ministre défend avec ses propositions "une perception équilibrée de la laïcité".

Un code de la laïcité et de la liberté religieuse rassemblant les grands textes et les jurisprudences devrait être disponible d'ici à mai. Les fonctionnaires devront suivre un module de formation sur la laïcité et la liberté religieuse.

A l'école, cet enseignement sera renforcé. Des "correspondants laïcité" seront désignés dans les administrations centrales et locales et dans chaque ministère pour "prévenir les conflits et répondre aux questions".

La formation des ministres du culte aux principes républicains sera encouragée. Dispensée à l'Institut catholique de Paris depuis trois ans, et lancée à Strasbourg en octobre 2010, elle "doit trouver toute sa place dans nos universités", rappelle le ministre. En 2008, l'enseignement supérieur public avait refusé d'accueillir ces cours.

NEUTRALITÉ DANS LES SERVICES PUBLICS

Les refus de soins à l'hôpital ou la restauration collective sont en ligne de mire, mais les textes, telle que la Charte de la laïcité publiée en 2007, existent. "Elle doit être mieux connue", indique seulement le ministre.

En revanche, une "clarification" s'impose pour les collaborateurs occasionnels des services publics (mères accompagnant les sorties scolaires surtout) et les salariés exerçant dans des organismes de droit privé du secteur médical ou social chargés d'une mission de service public, à l'exception des établissements confessionnels.

Face à la diversité des situations, le ministre semble préférer le règlement intérieur à la loi pour que s'impose la neutralité religieuse. Dans le cas des mères voilées, il reconnaît la nécessité de "poursuivre la réflexion" pour, "en liaison" avec les responsables des cultes, "éviter toute solution mal pensée, car trop rapidement rédigée".

Des "conférences départementales de la liberté religieuse", réunies à l'automne, établiront des diagnostics locaux. Les services d'aumôneries à l'hôpital et en prison seront confortés.

En réponse à la polémique sur "les prêches en français", le ministre assure que"les liturgies demeurent respectées et sanctuarisées". "Il ne peut être question d'imposer le français dans l'exercice du culte." En revanche, "le gouvernement confirme sa fermeté pour combattre les prêches violents et extrémistes".

Le ministre juge inutile de modifier la loi de 1905 pour financer de nouveaux lieux de culte: "Personne ne demande sérieusement de financement public direct." En revanche, il veut mettre fin aux prières dans la rue, qui "n'ont pas leur place en France".

Pour ce faire, "la voie de la concertation" est privilégiée entre les pouvoirs publics et les responsables musulmans locaux. Evoquant la ville de Nice, où un bus transporte les fidèles dans une autre mosquée, M.Guéant assure: "Le problème n'est donc pas insurmontable."

Stéphanie Le BarsArticle paru dans l'édition du 16.04.11


source : www.lemonde.fr

Rédigé par SDPM

Publié dans #politique et sécurité

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