Gilets jaunes et maintien de l'ordre : les policiers municipaux habilités à encadrer les manifestations ?
Publié le 6 Décembre 2018
Il n'y a pas qu'à Paris que le mouvement des gilets jaunes existe, et il n'y a pas que dans la capitale, où il y a des incidents voir des phénomènes de violences graves. Nous l'avons vu cette semaine, avec des lycéens.
Dans ce contexte, les maires mais aussi l'Etat, Préfecture et responsables de
Est-ce légal ?
Tout d'abord, en préambule, il convient de rappeler que les seuls moyens coercitifs que le Policier Municipal possède, c'est à dire l'usage de la force de manière strictement proportionnée, ne se situent que dans le cadre de l'interpellation et de la légitime défense.
Ainsi, disperser la foule de force [manu-militari, avec des coups de matraques, tonfas, usage de flash ball] ne rentre pas dans le cadre légal des attributions du policier municipal. Il est susceptible d'être mis en cause, pour des faits de violences volontaires avec armes.
Par ailleurs, la responsabilité de l'administration, Etat, maires et donneurs d'ordre est susceptible elle aussi, d'être engagée.
Si le policier municipal est chargé de la surveillance du bon ordre, il est incompétent pour le maintien de l'ordre qui lui est formellement interdit.
La surveillance du bon ordre :
La surveillance du bon ordre, est une action de police administrative, préventive, qui se déroule dans le cadre des missions habituelles de l'agent de police municipale, en dehors de tout événement particulier (ex: une manifestation revendicative).
Dans ce cadre, l'agent a pour mission de veiller à ce qu'il n'y ait pas de trouble à l'ordre public : c'est de la surveillance générale classique.
Le maintien de l'ordre :
Le maintien de l'ordre ne se résume pas à l'usage de la force contre des manifestants. Ce cas ne constitue que l'action de rétablissement de l'ordre, qui n'est qu'une des facettes des actions du dispositif de maintien de l'ordre.
Le maintien de l'ordre est un dispositif particulier, déployé à l'occasion d'un rassemblement de personnes, organisé ou non, susceptible de dégénérer, par exemple des manifestations à caractère social ou revendicatif. Il vise tant à maintenir l'ordre sans usage de la force, qu'à rétablir l'ordre.
Cela va de la surveillance et de l'encadrement de la manifestation, jusqu'à l'intervention pour disperser la foule, ou encore appréhender des auteurs de violences ou de dégradations.
C'est la définition légale qu'en retient le défenseur des droits dans son rapport de décembre 2017 :
[Le maintien de l'ordre est] "les opérations de maintien ou de rétablissement de l’ordre public par lesquelles les forces de sécurité répondent à des actions, programmées ou inopinées, sur la voie publique qui présentent un risque de violences ou de débordements ".
Les agents de police municipale ne sont absolument pas habilités à participer à une action de maintien de l'ordre, même s'ils ne prévoient pas - a priori - d'intervenir dans le rétablissement de l'ordre. Ils ne peuvent donc pas se trouver à proximité d'une manifestation revendicative, simplement pour "surveiller" ou encadrer.
Ainsi, la dispersion des violences urbaines collectives, constituent légalement des actions de rétablissement de l'ordre lors d' attroupements (article 431-3 du Code Pénal) pour lesquelles le policier municipal est strictement incompétent.
L'article L512-4 du Code de la sécurité intérieure (CSI) relatif aux convention de coordination de police municipale reprend le préambule des modèles de convention de coordination. Il doit y figurer la précision suivante : « En aucun cas il ne peut être confié à la police municipale de mission de maintien de l’ordre. »
La circulaire du 20 juillet 2011 (NOR IOCD1119121C) a un caractère ferme : elle emporte le caractère d'une norme réglementaire en rappelant strictement cette interdiction.
Le SDPM avait soulevé auprès du Directeur aux coopérations de sécurité cette problématique, lors de notre réunion de travail au Ministère de septembre dernier.
Si la réalité du terrain existe, il n'empêche que le policier municipal se trouve exposé juridiquement pour une mission qui n'est pas la sienne, et pour laquelle il n'est pas payé.
En conséquence, le SDPM saisit à nouveau le Ministère de cette problématique.