La Dépêche du Midi : «Les maires qui n'arment pas leur police sont irresponsables»

Publié le 15 Mars 2016

Reportage double page sur la Dépêche du Midi du 14 mars 2016

«Les maires qui n'arment pas leur police sont irresponsables»

Sécurité - Interview

 

Cédric Michel,

Président du Syndicat de Défense des Policiers Municipaux

« Les maires qui n'arment pas leur police sont irresponsables ». Cédric MICHEL est en négociation avec l'Etat.

« Les maires qui n'arment pas leur police sont irresponsables ». Cédric MICHEL est en négociation avec l'Etat.

Depuis quand et pourquoi militez-vous pour l'armement des policiers municipaux ?

Nous militons sur ce sujet depuis la création de notre syndicat, et avant lui son prédécesseur depuis 1970. Les policiers municipaux exercent des missions de sécurité sur la voie publique, au même titre que les gendarmes et les policiers nationaux, et comme ces derniers, il existe donc un risque inhérent à leur mission. Cela ne viendrait à l'idée de personne de désarmer les policiers ou les gendarmes, même dans un minuscule village reculé de province, et il n'y a donc pas de logique à ce que les policiers municipaux ne soient pas armés.

Existe-t-il un clivage entre la droite et la gauche sur ce sujet ?

Absolument pas, contrairement aux idées reçues, qui voudraient que les maires de droite soient pour l'armement de leur police et les maires de gauche, contre. Manuel Valls, quand il était maire d'Évry, a armé sa police municipale, alors que dans le même temps, Alain Juppé, à Bordeaux, ou François Bayrou, à Pau, s'y opposent formellement. Dans chaque commune, le maire a le pouvoir de police et la décision d'armer ou non sa police relève de sa seule décision, sans avoir besoin de faire voter cette décision au conseil municipal.

Y a-t-il eu un «effet attentats», comme en Haute-Garonne, où quinze municipalités ont déposé des demandes auprès de la préfecture pour armer leur police municipale ?

Après les attentats il y a eu une évolution sensible de certains maires, qui ont compris qu'ils avaient une responsabilité morale et politique à armer leurs policiers municipaux parce que ces derniers mettent leur vie en jeu, au service des citoyens. Avant les attentats, la police municipale était déjà confrontée à la délinquance, mais beaucoup de maires restaient pourtant frileux sur ce sujet. Quels arguments opposez-vous justement aux maires qui sont contre cet armement ?

Quand certains maires me disent que d'armer leurs policiers municipaux ne garantit pas la vie sauve de leurs fonctionnaires, je leur réponds qu'ils ont raison. Mais qu'en revanche, laisser un policier municipal non armé face à un délinquant ou un terroriste, c'est la mort assurée et que ceux qui n'arment pas leur police municipale aujourd'hui sont donc irresponsables.


Blagnac et Balma ont sauté le pas

«Il y a quelques années, armer la police municipale, était juste hors de question pour moi», reconnaît Bernard Keller. Le maire PRG de Blagnac, élu depuis 1996, a changé son fusil d'épaule après avoir discuté avec ses fonctionnaires ces derniers mois. «Ce sont mes policiers municipaux qui m'ont fait changer d'avis, raconte-il. Ils m'ont d'abord demandé à être équipés de gilets pare-balles, ce que j'ai accepté puis m'ont sollicité pour être armés. Au départ, j'ai dit non. Mais après les attentats de Charlie Hebdo, ils ont eu peur et j'ai eu peur pour eux aussi», confie-t-il. Après de nombreuses discussions avec ses concitoyens et ses élus, Bernard Keller a pris la décision cet automne, d'équiper ses 21 policiers municipaux d'armes à feu. Une décision qu'il aurait pu prendre seul, puisque comme le stipule la loi, le maire détient le pouvoir de police, mais qui a été actée à l'unanimité par son conseil municipal. À Balma, Vincent Terrail-Novès, maire Les Républicains, a passé outre l'avis défavorable de son opposition. «Nous avons six policiers municipaux qui effectuent des rondes de nuits, explique le maire. A partir du moment où ils ont les mêmes missions que celles de la gendarmerie ou de la police, ils doivent avoir les mêmes atouts.» Le Maire de Balma a également été sollicité par ses concitoyens. «Après les attentats de novembre, les fédérations de parents d'élèves m'ont également contacté pour me demander de sécuriser l'accès aux écoles dans le cadre des fêtes de Noël, explique-t-il. Ce qui prouve bien qu'avoir une police armée est aussi une demande de la population.» En termes de budget, Balma, qui n'a pas pu bénéficier du stock d'armes mis gratuitement à disposition par le ministère de l'Intérieur puisqu'il est épuisé, déboursera environ 2400 euros par policier municipal. «La formation coûte 1700 euros et l'arme 700 euros», précise Vincent Terrail-Novès. À Blagnac, où les 21 armes seront prêtées par le ministère de l'Intérieur, la municipalité devra donc s'acquitter de la formation. «Dans le budget, il faut aussi prévoir l'achat d'une armoire sécurisée où les policiers rangeront leurs armes quand il ne seront pas en service», ajoute Bernard Keller. Les deux communes, qui attendent la réponse de la préfecture, devraient, si la réponse est positive, disposer d'une police municipale armée d'ici à la fin de l'été.


Le chiffre : 15

dossiers> encours d'examen. La préfecture a reçu ces dernières semaines quinze demandes de communes du département qui souhaitent obtenir l'armement de leur police municipale avec des armes à feu.

 

Des armes pour les polices municipales

Les demandes de formation ont augmenté des 100 % dans la région Languedoc-Roussilon-Midi-Pyrénées./ Photo DDM Thierry Bordas

Depuis les attentats de 2015, de de nombreuses communes de Haute-Garonne ont pris la décision d'équiper leurs fonctionnaires de police municipaux d'armes à feu.

Selon les derniers chiffres officiels publiés par le ministère de l'Intérieur, seuls 45 % des policiers municipaux étaient équipés d'armes à feu en 2014. Mais les attentats de janvier 2015 -et particulièrement l'exécution par Amédy Coulibaly de Clarissa Jean-Philippe, la jeune policière municipale de Montrouge- puis ceux du mois de novembre dernier, ont créé un véritable électrochoc dans les rangs des 20 000 policiers municipaux de l'hexagone mais aussi dans ceux des élus, qu'ils soient de droite ou de gauche, y compris en Haute-Garonne. «15 communes du département ont en effet déposé ces dernières semaines des dossiers pour obtenir l'agrément afin d'équiper leur police municipale avec des armes à feu de catégorie B», indique la préfecture. 82 communes, sur les 589 que compte le département, disposent d'une police municipale parmi lesquelles 54 sont armées. «Mais sur ces 54 polices municipales armées, seules 18 communes ont une police municipale autorisée à porter des armes à feu», précise la préfecture. Un chiffre qui pourrait donc doubler avec les quinze dossiers déposés ces dernières semaines, parmi lesquels ceux de Blagnac, Balma, Castanet-Tolosan ou encore Fenouillet. «10 communes de la Haute-Garonne ont demandé de bénéficier du prêt d'armes de poing proposé par le Ministère de l'Intérieur, et 112 armes seront ainsi mises à leur disposition d'ici la fin du 1er semestre 2016», poursuit la préfecture. Après les attentats de Charlie Hebdo, le ministère de l'Intérieur a décidé de prêter pour cinq ans aux communes qui en feraient la demande, 4000 armes, anciennement détenues par la police nationale. Si ces quinze communes reçoivent un avis favorable de la préfecture, il leur faudra alors former leurs policiers municipaux. «Cette formation est dispensée par le CNFPT, le Centre national de la fonction publique territoriale, et comprend un volet juridique de 12 heures et un volet technique avec 45 heures d'apprentissage au tir, explique Olivier Degeorges, responsable du pôle sécurité-police municipale au CNFPT. Au niveau national, nous formions jusque-là 800 à 900 agents par an au maniement des armes à feu et nous en sommes à 1700 policiers municipaux inscrits rien que pour le premier semestre trimestre 2016. Dans la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrenées, les demandes ont aussi augmenté de 100 %», et même si nous avons anticipé ces demandes en augmentant nos infrastructures de formation, il y a un délai d'attente de trois mois, ce qui est légèrement supérieur à ce que nous avions l'an dernier.»


Ce que dit la loi

La police municipale n'est pas armée «par défaut». Il appartient au maire de décider d'armer tout ou une partie de son service de police municipale. «Pour ce faire, il doit obtenir au préalable l'autorisation du préfet et établir une convention de coordination entre la police municipale de la commune et les forces de l'État, de police ou gendarmerie», explique-t-on à la préfecture. Les fonctionnaires de police municipale ont accès à une liste d'armes relevant des catégories B (revolvers, pistolets semi-automatiques, pistolet à impulsion électrique, etc.), C (lanceurs de balle de défense) ou D (matraques, générateurs d'aérosols incapacitants ou lacrymogènes, etc.). Chaque agent se voyant armé doit impérativement avoir suivi une formation spécifique, dispensée par le CNFPT, le Centre National de la Fonction Publique Territoriale. Au terme de cette formation, qui comprend notamment des entretiens psychologiques, le CNFPT détermine si le fonctionnaire est apte à être armé sur la voie publique et en informe le préfet. Tous les agents armés en catégorie B et C sont soumis à deux séances d'entraînement minimum par an, organisées là aussi par le CNFPT.

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