Philippe Steens (SIPM) : « Il faut armer tous les policiers municipaux »

Publié le 25 Mai 2010

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Nicolas Sarkozy devait se rendre, ce mercredi, aux obsèques d’Aurélie Fouquet, la jeune policière municipale abattue le 20 mai par des malfaiteurs à Villers-sur-Marne, dans le Val-de-Marne. « Je veux rendre hommage aux 30 000 policiers municipaux parce qu’on ne parle pas assez d’eux […] Ils font un métier extrêmement dangereux », a expliqué le chef de l’Etat. Va-t-il demander à ce qu’ils puissent tous être armés ? C’est ce que réclame, entre autres, Philippe Steens, policier municipal lui-même et secrétaire général du Syndicat indépendant de la police municipale (SIPM).


Minute : A la suite de la mort de votre collègue, vous avez publié un communiqué remerciant le maire de Villiers-sur-Marne, Jacques-Alain Bénisti – par ailleurs député UMP. Pour quelle raison ?


Philippe Steens : Nous l’avons remercié parce que, si la police municipale de Villiers-sur-Marne n’avait pas été armée, ce n’est sans doute pas un mort que l’on aurait compté dans nos rangs, mais deux. Le maire a eu parfaitement raison de dire que si Aurélie Fouquet et son collègue n’avaient pas été armés, « nous aurions deux morts ». C’est parce qu’il a pu riposter qu’il a eu la vie sauve. Accessoirement – l’essentiel, c’est bien sûr de pouvoir rentrer vivant chez soi –, le fait qu’il ait pu blesser l’un des malfaiteurs, et que celui-ci ait donc laissé des traces de sang qui ont pu être analysées, a permis à l’enquête de progresser plus vite.

 

Le maire de Villiers-sur-Marne est un des rares maires de France qui ait eu le courage et l’intelligence de doter son service de police municipale d’armes de quatrième catégorie : des armes à feu létales de défense. Beaucoup ne le font pas, y compris dans des villes où des policiers municipaux se sont déjà fait tirer dessus, comme à Epinay-sur-Senart au début des années 2000. C’est parfois à se demander ce qu’il leur faut pour donner à leurs policiers les moyens d’assurer leur protection et celle de la population…

 

Nous avons donc remercié le maire, mais, si les policiers n’avaient pas été armés, nous aurions recherché les responsabilités, y compris sur le plan pénal. Je rappelle en effet que les maires ont en charge la sécurité de leurs fonctionnaires.

Ne peut-on pas penser, a contrario, que si les policiers municipaux n’avaient pas été armés, il n’y aurait eu aucun mort, car les malfaiteurs n’auraient pas fait feu ?


Nullement. A Epinay-sur-Sénart, dans l’Essonne, quand des policiers municipaux se sont fait tirer dessus, en plein après-midi et en plein centre ville, ils n’étaient pas armés et cela se voyait. Cela ne les a pas empêchés de se retrouver face à un individu qui n’avait plus toutes ses facultés mentales et leur a tiré dessus avec une arme de poing. Ils ont dû leur salut au gilet pare-balles.

 

C’est tout de même la première fois qu’un policier municipal meurt en service.


Absolument pas ! C’est ce que la presse a écrit mais c’est faux. Dans les années 1990, à Aix-en-Provence, un policier municipal avait déjà perdu la vie en service. Des collègues en patrouille avaient aperçu un individu qui sortait d’un jardin et s’étaient dirigés vers lui pour le contrôler. Il avait un fusil à canon scié sous sa gabardine. Il a abattu un des fonctionnaires. Le deuxième fonctionnaire a pu riposter et abattre l’individu qui venait de tuer son collègue. Sans arme, il serait mort lui aussi.

 

Qui décide d’armer ou non la police municipale ?


En premier lieu, c’est une décision du maire. Ce devrait être une décision technique, mais, comme la politique se mêle de tout et apporte la polémique, certains élus y voient une décision politique et donc hésitent, et reculent. Après, le préfet doit donner ou non son aval. Il faut bien constater qu’il y a des maires frileux et des préfets qui ne veulent pas se mouiller.

 

N’y a-t-il pas aussi des réticences du côté de la police nationale à voir les policiers municipaux être armés ?


Cela existe mais plutôt de la part de syndicalistes de la police nationale qui, soit dit en passant, oublient de balayer devant leur porte quand ils viennent donner de grandes leçons de déontologie policière… Sur le terrain en revanche, dans leur très grande majorité, les policiers trouvent tout à fait anormal que les policiers municipaux ne soient pas armés. Peut-être parce que eux connaissent les risques du métier…

 

Un policier municipal est aussi apte qu’un policier national à porter une arme ?


Je vais vous raconter une anecdote. Quand […]

 

source : fr.novopress.info

 

 

La suite lue dans minute :

 

Comment justifiez-vous
l’existence des polices
municipales? Ne sont-elles
pas le signe de carences de
l’Etat en matière de maintien
de l’ordre public?


L’histoire des polices municipales
doit être replacée dans sa perspective
historique de deux siècles. C’est la Ré -
volution française qui a confié le pouvoir
de police aux maires et, on l’a
com plètement oublié, avant la Deuxième
Guerre mondiale, tous les policiers
en tenue – je ne parle bien sûr pas des
gendarmes – étaient des policiers mu -
nicipaux.
Mais on avait bien entendu besoin
d’une force de police centralisée. Et fi -
gurez-vous que c’est l’Etat français du
maréchal Pétain qui, par la loi du 23
avril 1941 dite loi Darlan, du nom de
l’amiral Darlan qui était alors chef du
gouvernement, a étatisé les polices mu -
nicipales. Dans le contexte de l’épo -
que, c’était bien sûr une façon de con -
tourner les conditions imposées par
l’armistice ainsi qu’une façon pour Vi -
chy de disposer d’une puissante force
de police, mais c’était aussi par choix
de donner satisfaction à une vieille re -
vendication du syndicat des commissai
res.

 

Les polices municipales
ont alors toutes disparu?


Quelques-unes ont perduré, mais
leur renaissance date des années 1980,
au moment où l’on a confié aux policiers
de base, les gardiens de la paix, des missions
qui étaient jusqu’alors effectuées
par des inspecteurs. Devenant agents de
police judiciaire, ils se sont trouvés
moins disponibles et pris par la paperasse.
C’est là que des maires, constatant
qu’il y avait moins de policiers sur le terrain,
ont commencé à recréer des po -
lices municipales.


Les policiers municipaux
sont-ils vraiment bien formés?


Clairement, oui. En 1999, le rapport
Liénard pour l’Institut des hautes étu -
des pour la sécurité intérieure – Ihesi,
devenu l’Institut national des hautes
études de sécurité (Inhes) – avait conclu
que les services de police municipale
étaient « les groupement professionnels
armés les plus sûrs ». Entre autres parce
que, pour des questions de coûts et de
moyens, les policiers municipaux s’entraî
naient beaucoup plus au tir que les
policiers nationaux. Entre 500 et 1000
cartouches annuelles tirées d’un côté,
cin quante de l’autre. Et je déplore que
cela ait changé en raison du nouveau
cursus que doivent suivre les policiers
municipaux et qui réduit leur entraînement!
Mais ils sont toujours formés par
des moniteurs de tir qui sont euxmêmes
for més par la police nationale
ou par la gen darmerie. Donc vraiment, il
faut être de mauvaise foi pour dénoncer
une prétendue formation insuffisante
des policiers municipaux.


N’est-ce pas finalement
aujourd’hui à la police
municipale que revient le rôle
de police de proximité?


Il faut bien s’entendre sur la significa -
tion de cette expression, dans laquelle
on peut mettre tout et n’importe quoi –
et surtout n’importe quoi. Rudolph
Giuliani, l’ancien maire de New York,
disait que son rôle n’était pas de mettre
des policiers où on voulait en voir mais
là où on en avait besoin, ce qui me paraît
de bon sens.
La « police de proximité » à la française
est un sophisme. Comme l’avait dit
Nicolas Sarkozy, qui avait raison sur ce
point-là, en paroles du moins: « Le rôle des
policiers, ce n’est pas de jouer au football avec
les délinquants, c’est de les attraper. »
En revanche, si la police de proximité
est celle qui connaît parfaitement son
secteur et qui y recueille des renseignements,
c’est en effet la police municipale
qui est la plus adaptée, de par sa nature
décentralisée et sa proximité naturelle
avec les habitants.


Les résultats obtenus par la
police municipale sont-ils
quantifiables?


Très difficilement. Le problème est
que lorsque la police municipale interpel
le un délinquant, voire un criminel, el -
le doit le remettre à un officier de police
judiciaire (OPJ) de la police ou de la
gendarmerie. Et dans les statistiques, ça
figure comme une affaire résolue par la
police ou par la gendarmerie nationa -
les…
Le 1er juin a lieu une grande
mobilisation intersyndicale – ou
présentée comme telle – de la
profession. Le SIPM va-t-il y
participer?
Non seulement nous n’y participons
pas mais nous appelons tous nos collègues
à ne pas y participer! Cet « intermachin
syndical » est composé de syndicats
qui sont en grande majorité opposés
à ce que les policiers municipaux
soient armés!


Bien que la grande majorité
des policiers municipaux
réclame de l’être?


Oui, car il n’y a pas d’élection propre
à la profession! L’« intermachin syndical »
ne représente donc rien chez les policiers
municipaux.


J’ai du mal à vous suivre…


C’est simple. Si l’« intermachin » est
dominé par la CGT, c’est parce que cel -
le-ci est majoritaire chez les fonctionnai -
res de catégorie C de la fonction pu -
blique territoriale, qui va du cantonnier
à l’agent administratif, et englobe principalement
des fonctionnaires dont le
coeur penche à gauche, voire très à gau -
che. S’il y avait des élections spécifiques
à la police municipale, la CGT se retrouverait
à 0,3 %. Par grand beau temps et
vent arrière… C’est pour cela qu’elle ne
veut pas d’élections spécifiques, et que
toutes les grandes centrales syndicales,
qui se tiennent par la barbichette, n’en
veulent pas non plus. Ça les priverait de
la mainmise qu’elles prétendent avoir
sur la profession, avec des « représentants
» qui parlent au nom des policiers
municipaux sans être eux-mêmes policiers
et avoir la moindre idée de ce que
nous vivons sur le terrain.


Quelles sont les revendications
du SIPM?


La revendication première est que
tous les policiers municipaux soient obligatoirement
dotés d’armes de défense
de quatrième catégorie. Le social, c’est
bien. Mais le fait de pouvoir rentrer vi -
vant chez soi, ça passe avant tout. Et
pour cela, nous devons affronter l’Association
des maires de France (AMF), car
ce n’est pas tant le gouvernement que la
puissante AMF qui freine tant qu’elle
peut en refusant toute extension de
compétences de la police municipale. La
raison est simple à comprendre: beaucoup
de maires veulent une police municipale
limitée à des visées électoralistes.
Ils veulent faire croire qu’ils font quelque
chose alors qu’ils ne font rien. Il faut
croire que le lobby des maires est plus
puissant en France que chez nos voisins,
ou que ceux-ci voient les choses différemment,
puisque ce que nous demandons
est accepté et mis en oeuvre en Italie,
en Espagne, en Belgique, etc.


Et vos revendications sociales?


Nous réclamons l’intégration de la
« prime police », qui soit la même pour
tous, dans le calcul de la retraite et une
bonification d’un an tous les cinq ans
pour la retraite, comme en bénéficient
les policiers nationaux ou les agents de
l’ad ministration pénitentiaire. Je ne dou -
te pas qu’il faille procéder à une réforme
des retraites, mais si on applique aux po -
liciers la même logique que celle qui
semble prévaloir sur un plan général, les
Français vont se retrouver avec des policiers
municipaux de 65 ans dans les rues
pour courir après des voyous de 16 ans!
Pas besoin de se demander qui, « du gendarme
ou du voleur », va gagner…
Nous demandons aussi la création
d’u ne Inspection générale de la police
mu nicipale, car les lois et règlements qui
régissent la police municipale sont souvent
bafoués par les élus. Les policiers
municipaux sont très surveillés mais les
maires, eux, font ce qu’ils veulent et il
n’y a personne pour les rappeler à
l’ordre.


Propos recueillis
par Bruno Larebière

 

source : minute

 

 


 

Rédigé par Admin

Publié dans #presse et PM

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